mardi, avril 06, 2010

Austérité

Voici une série d'articles qui exposent la situation financière de l'INSEE :
- 05 Avril 2010 Par Laurent Mauduit :
Bercy s'acharne contre l'Insee avec un plan d'austérité

Pour l'immense majorité des agents de l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), c'est plus qu'une coïncidence; c'est de l'acharnement. Alors que l'institut fait déjà l'objet de plan de délocalisation à Metz, qui est très controversé, le ministère des finances l'a sommé de mettre en œuvre pour 2010 un véritable plan d'austérité, avec une réduction de 20% de ses crédits de fonctionnement. Si ce plan devait s'appliquer, l'Insee ne pourrait pas mener certaines de ses missions, aussi décisives soient-elles pour l'information économique et donc la vie démocratique du pays.
C'est le directeur général de l'Insee, Jean-Philippe Cotis, qui a officialisé la mauvaise nouvelle, par un mail adressé le 19 février à tous les personnels, et dont Mediapart a obtenu une copie. Dans ce courrier électronique – que l'on peut consulter dans sa version intégrale dans l'onglet «Prolonger» associé à cet article –, le patron de l'Insee dit les choses sans détour: «Comme vous le savez, les crédits de fonctionnement qui ont été ouverts pour l'Insee en 2010 sont sensiblement inférieurs à ceux de 2009. Si la situation restait en l'état, ces crédits baisseraient d'environ 20% et le bon accomplissement de nos missions s'en trouverait compromis. Nous sommes à présent engagés dans des discussions avec les autorités budgétaires afin de trouver une issue raisonnable aux difficultés de financement de l'Insee. Nous ne manquerons pas d'informer les agents des résultats obtenus à l'issue de ces discussions.»
Mais comme le directeur général n'est pas certain de ramener sa tutelle à de meilleurs sentiments, il admet qu'il a commencé à réfléchir aux économies qu'il faudra inévitablement réaliser: «Nous avons entrepris un travail de réexamen des dépenses (...) dans le cadre d'un groupe de travail comprenant des directeurs régionaux et des représentants des maîtrises d'ouvrage. Il s'agit d'identifier avec précision les zones où nous ferons des économies de manière à ne pas pénaliser l'ensemble du fonctionnement de la maison. Dans cet esprit, le 17 février, le comité de direction a expertisé les premières conclusions du groupe. Il a identifié dans chaque direction, des économies qui ne remettent pas en cause ses missions. (...). Elles consistent par exemple à diminuer les impressions de publications, tout en préservant leur mise à disposition sur Internet; elles peuvent aussi se traduire par un rééchelonnement des achats de certains fichiers; elles peuvent conduire à mieux valoriser nos ressources internes pour imprimer les questionnaires de certaines enquêtes.»
Un prétexte pour remettre au pas l'institut
Le directeur général ajoute encore: «Certains points importants doivent encore être précisés: les économies demandées à l'informatique; le plan de formation d'ici la fin de l'année ainsi que le plan de déplacements. Les subventions accordées aux sociétés savantes doivent aussi être analysées.»
Pour les agents de l'Insee, ce mail a fait l'effet d'une douche froide. Car les difficultés budgétaires de la maison sont depuis des mois un sujet d'inquiétude. Un seul exemple, l'Insee serait ainsi dans l'incapacité actuellement d'honorer près de 3.000 factures et ferait sans cesse appel à de nouveaux fournisseurs ou prestataires, pour ne pas se voir opposer des fins de non-recevoir par ses prestataires habituels qui ne sont pas payés.
Surtout, ce plan d'austérité intervient alors que le ministère des finances a déjà pris à l'encontre de l'Insee depuis deux ans une cascade de dispositions ou de réformes, qui menacent son bon fonctionnement et, au-delà, son indépendance.
Dans un communiqué commun (que l'on peut consulter ici), les syndicats CGT CFDT, FO et SUD de l'Insee rappellent ainsi que l'Insee «a déjà subi une réduction de 14% de ses effectifs au cours des quatre dernières années» et que «la Révision générale des politiques publiques (RGPP) va en supprimer 9% supplémentaire à l'horizon 2015».
Plus grave encore, l'Insee fait l'objet d'un plan de délocalisation partiel à Metz (dont Mediapart a tenu la chronique – voir là aussi notre onglet «Prolonger»), qui suscite une vive inquiétude parmi les personnels, mais aussi dans la communauté des économistes et des scientifiques. Car, pour beaucoup, ce projet n'est qu'un prétexte pour démembrer et remettre au pas un institut dont Nicolas Sarkozy n'a jamais goûté l'indépendance.
Quand il a été connu, à l'automne 2008, le plan de délocalisation a donné lieu à une exceptionnelle mobilisation des agents et administrateurs de l'Insee, autour des syndicats, et d'un Comité de défense de la statistique. A la même époque, Mediapart a créé une «édition participative» intitulée En défense de la statistique publique.
Le mauvais souvenir du Cerc
Ministre des finances, en 2004, Nicolas Sarkozy a eu en effet des conflits en cascade avec l'Insee (voir deux de nos enquêtes sur le sujet: ici et ). Ces charges contre l'institut ont été si fréquentes qu'elles ont rappelé aux statisticiens de mauvais souvenirs. Car c'est sous le gouvernement d'Edouard Balladur, à l'époque où Nicolas Sarkozy était ministre du budget, qu'un autre institut réputé pour son indépendance et la qualité de ses études, notamment sur les inégalités sociales, le Centre d'études des revenus et des coûts (CERC) a été supprimé.
L'Insee est bien loin d'en être là. Les nouvelles coupes claires annoncées contre l'Institut n'en soulèvent pas moins d'inquiétantes questions: si Jean-Philippe Cotis doit mettre en chantier une réduction de 20% de ces crédits en 2010, quelles missions, concrètement, seront mises en cause? Quelles «sociétés savantes» seront visées par ce plan d'économies? Et, en bout de chaîne, dans quelle mesure la qualité de l'information économique en sera-t-elle affectée? La question concerne évidemment les agents de l'Insee. Mais au-delà tous les citoyens. Tant il est vrai qu'une statistique publique de qualité et indépendante est un rouage décisif de toute vie démocratique.
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