jeudi, mars 23, 2006

Ma mémée


Ma mémée
Originally uploaded by francois et fier de l'Être.

Comme le gardien de mes benjamins a décousu son pantalon, je suis allé rendre visite à ma belle-sœur Yvelines qui réside à une quinzaine de kilomètres d’Amiens. Pendant qu’elle faisait chanter sa machine à coudre à l’étage, je devisais avec ma belle-mère Reine qu’elle héberge. Nous en vîmes à échanger des nouvelles respectives de notre santé et la voir ainsi trembler sous l’effet d’une médication trop puissante m’a remis en mémoire la photographie de ma grand-mère que je scannais il y a peu.
J’avais pris ce cliché alors qu’elle tentait vainement de lire ce livre que la maladie de Parkinson faisait dangereusement osciller.
Derrière cette image de faiblesse, je voyais la femme résolue qu’elle avait été. Divorcée avec deux enfants en bas âge d’un cantonnier porté sur la dive bouteille et qui ne nous a laissé que le souvenir de son nom, elle s’était retrouvée mise au ban de la petite société de son bourg des Charentes. Elle n’avait du qu’a son courage et son habileté pour les travaux d’aiguilles de monter un petit atelier de couture où nous venions, petits parisiens passer les vacances mon frère et moi.
Lorsque son ouvrage lui en laissait le temps, elle nous organisait dans son pays de cocagne maint excursions, une chasse aux cagouilles, une pêche aux grenouilles, une bastonnade de châtaignier, un ramassage de tilleuls, une cueillette de champignons. Ah ! les champignons, ils finissaient dans cette toute petite poêle de fer anciennement blanc, pas plus grande qu’une soucoupe, dont j’ai hérité. Un souvenir culotté qui orne encore la batterie de Claudine. Elle m’y confectionnait la plus légère des omelettes avec un seul œuf. Elle adaptait d’ailleurs sa cuisine à notre présence et oubliait un temps les artichauts à la croque-au-sel, les biscottes et la soupe pour confectionner de magnifiques pommes au four, broyés du Poitou, crêpes légères, lapin à la moutarde et beaucoup d’autres bonnes choses au rythme du jeu des 1000 francs.
Lorsqu’elle ne pouvait se libérer, c’est nous qui le faisions. Nous partions patauger dévêtus dans ce qui restait du ru qui traverse la commune. Nous explorions les grottes qui le borde et dans lesquels reposaient des billes de chêne mises à sécher une cinquantaine d’année. Notre hardiesse ne se trouvait freinée que par la crainte de rencontrer un vif orvet ou une méchante vipère somnolant au soleil sur un des gros rocher.
Lorsque le temps ne s’y prêtait pas, nous jouions dans son vaste atelier à collecter avec de gros aimants les épingles et aiguilles tombées des petites mains qui devisaient en cercles prêt des fenêtres aux dernières lueurs du jour. Nous passions sous la longue et large table de bois sur laquelle s’étalait démembré le dernier patron à la mode parisienne nous caressions les pieds de « péllagie », le mannequin d’osier qui servait à l’assemblage. Nous recevions pour paiement de cette tâche qui n’en était pas une le droit de fouiller dans les chutes à la recherche du coupon qui ferait de nos rêve une réalité, sous les doigts habille de mémére Claire. Et, c’est muni d’un turban ottoman ou d’une cape digne de Zorro que nous nous endormions sur son édredon de plume d’oie dans la fraîcheur et la légèreté. Je nous revoie pendu aux lianes du saule-pleureur, affublés d’un pagne léopard, lancer ainsi que Tarzan ou Akim en sa jungle un puissant défis au rugissant « Moumousse », son ratier noir et blanc. Je sens encore sur moi la chaleur des cataplasmes à la moutarde et la fraîcheur de ses baisers sur mon front.
Je ne peux aujourd’hui que vous souhaiter pareille grand-mère que ma mémére Claire.


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