mardi, juin 12, 2007

Gogues


wc
Originally uploaded by Eduardo Sánchez.

Après le billet de Coyote sur les toilettes du château de Versailles, j’ai eu envie d’évoquer à mon tour les lieux d’aisances, water closet, bécosses, et j’en passe de vertes et des pas mûres, qui ont meublés mon enfance. Le terme dont nous avions l’usage au sein du foyer familial est celui de : Trône. Sans doute parce que c’était là que siégeait l’autorité paternelle. C’était en ces lieux qu’il lisait son quotidien lorsqu’il quittait son laboratoire durant sa pause. Gare à la marmaille qui osait l’y déranger durant ce long moment de relâchement. J’ai comme de juste perpétué la tradition familiale.
Mais n’allez pas croire que je m’y soit toujours senti à l’aise.
En effet, notre chambre de bonne n’était alors pas dotée de toutes ces commodités que l’on pouvaient trouver, à l’Ottoman, entre le cinquième et le sixième étage dans un petit réduit d’environ cinquante par soixante centimètres. Ors plus que les risques représentés par les projections liquides dues à une mauvaise visée et non un quelconque priapisme, ou la gymnastique précédant un don plus solide, j’y craignait l’assaut des odeurs urinales et l’inévitable conclusion de toutes pauses. Pour parachever mon règne en ces lieux, ma taille aussi petite que celle du cordon, m’obligeait, pour déclencher la chasse à l’homme, à rester sur les lieux du méfait. Gibier bientôt empêtré dans un marais excrémentiel tourbillonnant autour des pointes de mes jolies tennis de toile quand j’avais la chance que ce ne soient pas de ces sandales squelettiques si prisées à l’époque.
Mais avoir les pieds mouillés et sales, ce n’est rien pour un garçonnet en culottes courtes qui passait son temps à sauter de flaques en flaques à la moindre goutte de pluie. Rien du tout comparativement à ce qui m’attendait au fond du jardin de chez ma grand-mère, dans la cabane prévue à cet usage.
Autant je trouvait, pour le largage de la marchandise, l’orifice sis entre le cinquième et le sixième un peu étroit, autant celui là me semblait trop large. Dans cette pièce quatre fois plus grande, il était percé dans un gros meuble de bois, rendu lisse par le passage de la postérité de mes augustes prédécesseurs. Ce mobilier plein de piquantes rusticités clôturait un trou à la profondeur insondable. Il était lui-même chapeauté d’une galette de bois ornée d’un pompon et sensée éviter que ne s’échappent en même temps que les effluves encouragées par le toit de tôles, de grosses Scatophaga stercoraria. Lorsqu’il me fallait siéger au dessus de cette noirceur, le maigre postérieur à nu, en équilibre sur mes deux mains, me prenait la hantise d’y choir et de plonger dans ces déjections que je savais habitées de quelque animalcule qui partageait ces lieux avec celles communément appelées mouches à merde et qui éprouvaient quelque malin plaisir à visiter la lune de leur pattes chatouillantes.
En prenant de l’âge, je pus, tout à la fois disposer, d’une amplitude me permettant d’atteindre le cordon depuis l’extérieur et d’une circonférence supérieure à celle du trou, bloquant tous relents. Comme par ailleurs, mon frère m’appris à chasser moi même ces chieuses à coup de feuille de chou et que les techniques hygiéniques ont largement évoluées depuis les vespasiennes, j’ai commencé à y prendre goût et trône désormais dans l’annexe de la bibliothèque plusieurs fois par jour puisqu’il est bien connu que les besoins physiologiques de l’homme s’exercent au moment de la vaisselle.


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