samedi, novembre 25, 2006

On dirait un chrysanthème


On dirait un chrisanthème

Lorsque j’avais douze ou treize ans, j’ai croisé pour la première fois la grande faucheuse qui sous les traits d’une mauvaise cartomancienne m’a prédit « Toi, tu mourras jeune ». Pour un jeune esprit impressionnable, une telle déclaration change pas mal le point de vue sur la vie qui lui reste.
La seconde fois, ce fut durant mes vacances chez ma grand-mère. Elle avait emportée l’une de ses sœurs, une grand-tante que je connaissais peu. Elle n’avait laissé qu’un mannequin de cire jaunâtre dont la large famille vantait à la veillée dans sa chambre les vastes qualités mais dans sa cuisine les nombreux défauts. J’en ai appris plus sur celle que l’on m’avait forcé à embrasser que durant tout son vivant.
La troisième fois fut un vrai choc. Je pris conscience du déchirement que cause la perte d’un être quel qu’il soit avec la disparition d’un pan entier de ma jeunesse. J’avais seize ans et mon héros, mon frère, venait de disparaître dans un accident de moto. Ce fut si soudain, que je me retrouvait comme en apnée, incapable de respirer, de pleurer ou de vivre. Il avait déjà quitté la cellule familiale mais sans s’en éloigner tandis que là, un gouffre béant restait qui ne pouvait se refermer. C’est à ce moment que je parvint à la conclusion qu’en cas de décès, il ne faut pas pleurer les morts, mais les vivants qui restent.

Sur Flickr j'ai associé ce cliché à un beau poème d'un auteur inconnu :

Si j’essaye de cacher mon âme,
Sous les assauts de mes mains,
C’est que je ne suis qu’une lame,
Et que de mon âme je n’ai rien…
Si j’essaye de masquer mes yeux,
En faisant clore tes paupières,
C’est que dedans brillent aucuns feux,
Que des pensées froides j’espèrent…
Je suis vide de toi,
Dans mon cœur,
Je n’t’aime pas,
Je suis vide,
sans voix,
Même le corps,
N’y est pas…
Et quand dans nos désirs intenses,
Je laisse échapper un je t’aime,
J’aimerais seulement qu’il panse,
L’aspect de mon corps chrysanthème.
Et quand dans nos plaisirs je fonds,
Dans l’étreinte d’un doux frisson,
Je ne t’aime pas,
je sens le froid,
Je n’ai pas le droit d’etre à moi…
Je suis vide de toi,
Dans mon cœur,
Je n’t’aime pas,
Je suis vide, sans voix,
Même le corps,
N’y est pas…
Je suis vide, sans moi,
Dans mon corps,
Je n’t’aime pas,
Je suis vide, et toi ?
Même le cœur…
… N’y est pas…


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