Le corps beau et le regard
Alors que j’écoutais sur « Rires et chansons » le trop talentueux et regretté Monsieur Cyclopéde prier sa femme de ne pas « marcher dans la mode : ça porte malheur », je réalisais que pour une fois je n’étais pas d’accord. Loin de tomber dans des excès comme dans le film « le diable s’habille en Prada ».
J’aime de temps à autre à me sentir émoustillé par quelques innovations vestimentaires. En effet, j’estime qu’il s’agit là d’un art relevant du fantasme pur dont il faut faire un usage parcimonieux afin que comme en cuisine soient mises en exergue quelques saveurs subtiles tranchant sur un rata quotidien.
Quels délices que de se sentir posséder toutes femmes en une ! La fraicheur d’une soie sauvage glissant sur ses fièvres, la finesse d’un dix sept deniers sous ses cals ou la rudesse du lin à ses caresses. Serais-ce la pleine lune qui élève ainsi mon imagination ou le serpent qui se réveille en moi lorsque sa langue goûte aux fragrances d’un linge humide ? Je ne vois ni honte ni disgrâce à imaginer les formes d’après les suaves ondulations d’un tissus. Même connues, elles en retrouvent une part de mystère. Voir danser ainsi l’emballage de son prochain cadeau donne au présent plus de valeur. On savoure cet instant d’anticipation et de retenue, le sacralisant de désirs retenus comme un enfant à la Noël. Glissant d’une légère torsion le pied galbé hors de son fuseau de cuir à l’odeur neuve tout en caressant la cheville tendue. Promenant ses cinq sens au maillage délicat du bas pour y découvrir en haut la dentelle frontière d’une peau laiteuse. Glisser ses doigts dans de mystérieuses échancrures. Pourquoi devrait’ on se priver de tels sels qui donnent tant de piquant à la vie sous prétexte de pudibonderies ou de bienséance ? Ni l’homme ni la femme n’en sont rabaissés. Revêtir ainsi ses préliminaires n’a rien à voir avec une quelconque position sociale, cela consiste simplement à offrir aux missionnaires quelques nouvelles aventures afin qu’ils puissent crier dans leur prières aux cieux :
Dieu que c’est bon !
