Arrière grand-père
Comme je le disais dans le compte rendu de mes vacances, Papy m’a confié des documents que ma grand-mère conservait par devers elle, deux cartes postales, une lettre et une carte de visite dont les encres initialement bleues tendent à se confondre avec l’ocre roux dont le papier fatigué et cassant s’est lentement revêtu. Il s’agit pour moi d’analyser, isoler, renforcer et lisser ces pixels de couleurs pour reconstituer ce qui était et sera de nouveau, des mots d’amours filiaux. J’ai choisi par respect de ne faire subir aucun traitement particulier aux supports originaux mais d’en créer une image informatique, un cliché, qui lui me servira de domaine d’expérimentation.
Pour première étape, et afin que ressortent toutes les traces d’encre même les plus infimes, j’ai choisi de scanner avec une résolution trois fois supérieure à la normale, en couleurs vraies tout en augmentant le contraste de 362 pourcents. Ceci devrait me garantir au moins un pixel par variation de teinte.
Je me fais l’effet d’un chirurgien. C’est un travail d’autant plus intéressant que je n’ai jamais connu cet arrière-grand-père, le père de ma grand-mère paternel. Je le découvre par fragments au détour d’une expression désuète ou de félicitations adressées à l’ainée de ses sept enfants, sa bonne petite Claire qui n’était pour moi que ma tendre mémère.
Ce n’est pas sans un pincement au cœur que je manipule ces cartonettes qu’elle a précieusement conservées et dont l’une annonce ingénument « Je reviendrai vainqueur » alors que son auteur, si il a survécu aux horreurs de cette longue guerre n’en est pas moins mort à l’hôpital en 1918 d’une maladie contracté dans les tranchés : la grippe espagnole. Il est inhumé près de Verdun, mais je ne suis pas sur qu’il y ai encore qui que ce soit au monde qui sache à quel endroit, sauf peut-être ma tante Marie ...
