lundi, août 04, 2008

Le tilleul

Il y a des scènes que l’on sait avoir vécues mais que l’on ne saurait rattacher à un instant particulier de nos vie. Pourtant, elles nous ont marquées de leur empreinte et leur souvenir reste vivace même si le contexte a disparu de notre mémoire.
Ainsi, j’ai vu un jour, je crois que c’était dans la cour d’une école que j’ai fréquenté, le vent entrainer dans son sillage, comme la concrétisation de sa présence, les myriades d’aéronefs d’un tilleul en pleine maturation. Chacune de ses petites feuilles lestées de deux boulles tournoyant dans le souffle du vent, recourbées comme des hélices, la multitude de petits hélicoptères fuyait son support, profitant de la tornade, pour se poser avec délicatesse sur le bitume ou s’échapper par dessus les hauts murs. Je me souviens de la vague d’admiration qui m’avait saisie face à l’ingéniosité naturelle dont je voyait la manifestation en ce spectacle.
J’avais pris alors le temps d’étudier ce système de balancier, la forme des graines, l’armature de la petite voile. N’est-elle pas étonnante cette biodiversité qui a su donner à la nature tant de moyens différents de se reproduire ? L’atterrissage en toute légèreté des uns mais aussi la violence du choc chez les marronniers, leurs piquants sur la gangue protégeant la graine et l’éclatement lorsqu’ils s’écrasent au sol. Certains misent sur leur légèreté, d’autre sur leur équilibre, leur dureté ou leur résistance. Des siècles d’évolution pour aboutir à l’envol d’un instant et la multitude pour l’espoir d’un seul.
C’est un souvenir étrange que ce tourbillon, cette tornade d’espérances semant tant de destinés sur une terre aride, un macadam stérile où je guettais par dessus les hauts murs les quelques échappés, rêvant pour eux un coin de verdure à la terre grasse, un havre caché entre deux plaques de béton où pourrait s’enraciner un vaillant futur. J’aimerai tant retrouver cet arbre et sa possible progéniture.


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