Cléo ou Cracotte
Je ne sais pas comment la conversation a ainsi pu dériver. Par quels méandres nous en sommes venus à écumer les routes en famille afin de dégotter une craquante petite chienne.
Cela a commencé, je crois le samedi. Alors que je me trouvais au cœur de ma petite déprime, avant mon excursion à Fieffes, ma sombre humeur teintait non seulement mes conversations mais aussi le caractère de Saxo, mon petit cavalier King Charles qui du coup trainait un peu la patte lors des promenades quotidiennes. La disparition du petit Zack n’était pas non plus étrangère à l’atmosphère morose. Nous avons alors évoqué sans trop y réfléchir la possibilité d’avoir un jeune chiot pour tenir un peu compagnie à Saxo maintenant que Claudine reprends son travail et qu’il n’a plus à notre domicile qu’un vieux matou vieillissant, somnolant la journée entière pour lui faire la conversation. Nous tenions à rester dans la même catégorie et sans vraiment aller au bout de notre réflexions, envisagions de porter notre choix sur une petite cavalier King Charles mais tricolore cette fois si afin de bien les distinguer. Comme beaucoup de nos conversations, celle-ci en serait restée là si le lendemain nous n’avions eu un temps aussi exécrable.
En effet, le dimanche fut pluvieux au plus au point. Après le repas dominical, nos projets de sortie maritime étant coulées, alors que nous cherchions dans quelle activité nous lancer et comme nous n’envisagions pas de nous enfermer dans un cinéma , nous avons d’un commun accord décidé de nous rendre chez l’éleveur qui nous avait, il y a six ans déjà, vendu le petit Saxo avant de faire la tournée des autres.
Il n’est pas dans le bottin et il faut le connaître pour le trouver. Sis à Domard-sur-la-Luce, sur la route de Hangare, ce petit élevage, jouxtant une imposante propriété, ne contient toujours que quelques chiots. C’est un élevage modèle dont beaucoup devraient s’inspirer. Il n’y a pas plus de deux chiots dans chacun des box d’une propreté irréprochable. Comme il n’y a que six box, nous avions donc un choix d’une douzaine de chiots.
Ors, il y avait là une magnifique petite cavalier King Charles tricolore au dos noir et ventre blanc. Elle n’avait que deux tâches marrons qui lui surlignaient les yeux tels deux sourcils épais. Vive et bien éveillée, elle dansait dans son box en tentant de nous amadouer, présentant tour à tour son petit museau mutin ou son derrière où une queue bien longue et fournie s’agitait d’un plaisir anticipé. Elle tenait déjà ses oreilles bien haut le long de son petit crâne bien rond. C’est là que j’ai fait la bêtise de la prendre dans mes bras. Au début, un peu tremblante, elle a tenté de cacher son petit museau dans les plis de mon blouson. Ses quatre pâtes enserraient mon poignet et sa petite tête si bien dessinée reposait dans le creux de ma main. Je ne voyait que ses grands yeux bien ouverts et absolument pas globuleux comme il est à craindre de cette race. Je n’envisageait pas en entrant dans l’élevage repartir avec un tel petit bijou sans y avoir murement réfléchi. Après tout , c’est faire une bien vilaine infidélité à Saxo. Je dois avouer que j’ai été bien près de craquer alors qu’elle ronronnait littéralement de plaisir en me léchant la paume et sous mes caresses. Mais je ne pouvais décemment pas soumettre celui que je surnomme « la bibitte » à la constante tentation d’une aussi mignonne jeunette sans qu’il en résulte une ou plusieurs portées dont, connaissant Claudine, il nous aurait fallut conserver chaque membres.
Pendant que je focalisait sur cette petite bête, je n’ai pas vu les regards enamourés que lançait Isabelle à un autre représentant de la gente canine. Aussi, après que je me soit enfuie la queue entre les jambes en abandonnant la mignonne, n’ai-je pas réalisé que le déchirement ne concernait pas que moi.
Le lendemain, j’ai appris que Matthieu a offert à sa Miss pour le quatrième anniversaire de leur rencontre biblique une petite cocker américain de couleur beige issue de l’élevage de Bellancourt. Il s’agit d’un autre élevage tout aussi réputé mais où l’on a plus de choix. En effet, leur situation à cheval entre Amiens et Bar-le-Duc ne se prêtant pas à l’arrivée d’un nouveau membre, ils ont eu la sagesse d’acheter un chiot pas encore sevré. Il devrait l’être lorsque ils s’établiront à Amiens, fin juillet.
En attendant, nous épluchons le calendrier des prénoms commençant par la lettre C.
