R.I.P. Zack
De toutes les fonctions dont j’ai eu la charge jusqu’à présent, celle de ce matin est la plus rébarbative. Mais je sais pour en avoir moi-même bénéficié combien ce service est inestimable. C’est cette pensée qui me soutient alors que sous la pluie et dans la gadoue, armé de ma seule pelle-bêche, j’accompli transi de froid et d’effroi, ma tâche de fossoyeur.
Cela ne consiste pas seulement à retourner la terre molle et grasse, mais aussi rendre à la terre ce qui lui a toujours appartenu et rendre une dernière dignité à un être qui quoi qu’il ai vécu, a été chéri. Ce que je vis là, je le conçois plus comme une marque de respect envers celle qui s’avère aujourd’hui incapable de l’assumer autant qu’envers la pauvre dépouille de ce chien vif et joyeux. Je serais d’ailleurs éternellement reconnaissant envers celui qui en son temps pu palier ma propre déficience en assumant cette tâche alors que je me trouvais si abattu par la disparition de ma petite chienne.
Il est probable que ce soit un sentimentalisme désuet, mais on ne peut faire disparaître d’un coup de pelle plus de cinq, dix ou vingt ans de vie commune en ayant encore à l’esprit les yeux, emplis d’amour et de confiance aveugle, de celle dont on vient d’ordonner la mort par injection. Comment oublier le poids de la responsabilité d’un tel acte d’ajournement lorsque l’on sent encore le pelage d’une patte dans sa paume ou la profondeur d’un regard.
Certes, il serait plus rationnel ou fonctionnel de confier cette tâche à un équarisseur professionnel, mais comment dans ces conditions avoir confiance et imaginer que la dépouille recevra un traitement digne du don total de soi qu’elle a fait de son vivant. Il me déplait d’imaginer que je puisse un jour récompenser une telle fidélité en transformant ses chairs en farines animales. Ce n’est rien au regard des atrocités et du manque de sépulture qui est le lot de certain, de par le monde, mais si il n’est pas en mon pouvoir d’assumer ce rôle pour la terre entière, au moins que je le fasse pour mes proches.
