Cent kilos de bêtises et quelques grammes...
C’est l’horreur. Je devais vous montrer une photo prise hier soir lorsque dans un accès de violence autant que d’exaspération, mon pied gauche a intentionnellement et malencontreusement écrasé l’un des troncs qui nous sont prêté par le CTM(Centre technique municipal). Je n’arrivais pas à ouvrir cette saloperie d’urne, collée par une couche de peinture récente et qui osait me résister. Certes le cliché est rigollot, enfin pas pour celui qui va devoir rendre au centre technique municipal cette boite bien cabossée.
En la voyant ainsi couché là, par terre, la gueule béante sur un francs et quatre sous, bref une somme qui est loin de mériter un tel traitement, je me suis sentit tout à coup coupable. Pas de la petite culpabilité de celui qui refile un coup de pied à une vulgaire boite de conserve. Non, une bonne grosse culpabilité. Je me suis mis à penser à ces accès de violence folle qui transforment le banal quotidien d’un foyer en le pire cauchemars et à la petite violence quotidienne qui blesse et ravale, de celle qui est endurée sans plainte et sans conscience.
La violence conjugale ordinaire est faites à la base par des hommes ordinaires qui ne supportent pas la moindre résistance en leur foyer et leur autoritarisme qui frise la rigidité n’est même pas soupçonnée par leur voisinage. Ils minimisent ou nient même leur violence. L’associe volontiers à la notion de virilité. Et bien souvent c’est ainsi que débute le drame, un rien, une bêtise qui résiste et ne pouvant faire preuve de sa force et de sa virilité pour plier l’événement à sa volonté, sa seule réponse semble être une explosion de rage et de violence gratuite parfois froidement calculée pour maintenir sa domination sur autrui.
Il y a une sorte de rythme dans le développement de la violence conjugale. Elle n’apparaît pas comme cela du jour au lendemain mais s’accroit benoitement au sein du couple. Elle se s’installe à travers des cycles dont l'intensité et la fréquence augmentent avec le temps. Surviennent dans un premier temps des périodes d'escalade de tension, débutant généralement par des agressions psychologiques : dénigrement de ce qu'est la femme, de ce qu'elle dit et fait. Par la suite, la violence verbale s'installe. C’est au quotidien des rebuffades et des contraintes psychologiques de plus en plus fortes. Elle représente l'étape qui précède souvent l'agression physique. Car durant toute la phase d'escalade, la femme va déployer des forces et prendre des mesures extraordinaires pour maintenir l'équilibre de la situation. Elle peut nier ce qu'elle ressent afin de tenter de maîtriser la peur et pour se donner l'impression qu'elle contrôle la situation, surtout si elle a déjà vécu plusieurs reprises de cycle de la violence. La phase d'explosion de la violence se caractérise par la perte totale de contrôle du partenaire violent qui peut survenir à partir du moindre incident, même une banale boite de conserve qui refuse de s’ouvrir pour que je puisse enfin compter la recette de la journée. En réalité, cette perte de contrôle est un moyen efficace pour terroriser l'autre. Cette phase est la plus courte et la fin de l'accès de violence semble liée à l'épuisement physique et émotionnel de l'agresseur ou de la victime (l'agresseur a le sentiment qu' "elle a compris la leçon"). Durant cette période, la femme terrorisée, peut tenter de se défendre ou chercher un endroit pour se mettre à l'abri. A la suite de cet épisode violent, en état de choc, elle sera parfois amenée à consulter un médecin pour des atteintes physiques plus ou moins graves. Même à défaut de blessures corporelles, elle pourra ressentir des malaises psychosomatiques diffus en réaction à cette agression. Souvent, c'est durant cet état de choc que la femme peut commencer à parler de sa situation à un proche ou à un professionnel (médecin, travailleur social). Mais attention, après cette crise, s'installe une dangereuse période de rémission. Le conjoint a tendance à regretter ce qu'il a fait et à vouloir se faire pardonner : craignant de perdre sa partenaire, il minimise les faits, justifie son comportement par des facteurs extérieurs à lui, promet de ne plus recommencer. La femme endosse alors en partie la responsabilité de ce qui vient de se passer. Le couple va entamer alors une période dite de "lune de miel" : la femme redécouvre un compagnon calme et prévenant. C'est ce qui l'encourage à rester ou à reprendre la vie commune, à effacer de sa pensée les scènes horribles qu'elle a vécues. Et le cycle est fini. Quand il reprendra, car il reprendra ce sera bien pire. La violence sur la victime sera de plus en plus forte et les périodes de "lune de miel" de plus en plus courtes et moches, au point que l’on n’en distinguera plus la différence.
Blague à part, si vous vous sentez ne serait-ce qu’un tout petit peu prise dans l’engrenage de la violence quotidienne, changez de crémerie et vite. Comparativement aux deux millions de femmes qui osent se déclarer victimes de la violence conjugale en France les 400 qui en meurent chaque année semblent bien peu mais ce ne sont souvent pas les mêmes. Celles qui ont conscience d’en être victime sont déjà à moitié sauvées. Ce chiffre ne tiens pas compte de celles qui préfèrent mettre fin à leurs pauvres jours avant que leur conjoint n’ai passé à l’acte.