samedi, novembre 17, 2007

Le roman noir

J’ai entrepris la lecture de quelques nouvelles d’Agatha Mary Clarissa Miller (15 septembre 1890 - 12 janvier 1976), plus connue sous le nom d’Agatha Christie et réunies sous le titre de « Témoins à charge ». C’est un ouvrage que j’ai déjà lu il y a longtemps mais depuis, il faut l’avouer, j’ai beaucoup négligé cette romancière anglaise. Il faut dire que je garde un mauvais souvenir qui, maintenant que beaucoup d’eau est passée sous les ponts, me ferait plutôt sourire.
C’était par un de ces jours brumeux de froid où le soleil se cache à tea time de l’hiver 1984. Je sortais d’une année entière de service militaire pour me plonger dans une nouvelle année de stage en région parisienne. La majeur partie de ma maigre paye s’engloutissait d’office dans le paiement d’une carte d’abonnement journalière pour le trajet ferroviaire entre mon bureau de Saint-Quentin en Yvelines et notre petit appartement amiénois. Afin d’y beurrer les épinards, après l’année de vaches maigres qui précédait, j’effectuais un maximum de ces heures supplémentaires que la proximité du recensement de 1982 justifiaient. Cela me donnait une amplitude de travail, déplacement inclus qui allait de sept heures le matin à plus de vingt et une heures le soir. Ceci permet de comprendre que le doux bercement d’un train corail de la ligne Paris-Lille allié au huis clos si longuement décris d’Agatha me plongèrent dans un profond sommeil. Il n’y a que deux arrêts entre la gare de départ et celle d’arrivée, l’une d’elle est celle d’Amiens, la seconde est celle d’Arras. Lorsque l’on est bien fatigué, certains gestes en deviennent automatiques. On sent le train s’arrêter et on perçoit à travers le brouillard que les intonations aigues du chef de gare dans son micro et lorsque l’on perçoit enfin que quelque chose ne correspond pas à la situation habituelle, il est trop tard. Le train s’en va et vous vous retrouvez seul dans une ville inconnue comme par hasard, sans le moindre sous, ni à l’époque, de téléphone portable. Tandis que j’envisageais de squatter illégalement un siège dans la gare ou sur un train de retour, le chef de gare m’apprenais que malgré la taille de la ville, sa desserte s’interrompait pour la nuit et que sa gare fermait. Malgré mon embonpoint, il est une chose qui chez moi galope très vite, c’est l’imagination. Je me voyais déjà mendier mon repas du soir sous la voute d’une porte cochère aux imprudents sortis sous ce qui se transformait en crachin glacial ou être découvert le lendemain au même endroit, mort et frigorifié par Hercule ou Miss Marple. Il me restait bien quelques unités dans ma carte téléphonique, mais c’était tout. Juste de quoi avouer à ma dulcinée, enceinte jusqu’au cou, ma position et attendre en espérant que ma petite souris saurait trouver un moyen de me ramener. Ce qu’elle a fait puisque je n’ai pas fini mes jours sous un porche.


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