mardi, janvier 15, 2008

Family affair

J’ai déjà évoqué le point de vue d’Élisabeth Badinter, Jean-Pierre Relier et d’Edward Shorter sur la distinction entre l’innée(dans les gènes) et l’acquit(apris) et l’existence ou l’inexistence de l’amour maternel même si l’un ne va pas sans l’autre.
Tout d’abord, une petite définition de la notion d’instinct s’impose :
"Ensemble des comportements innés existant chez les animaux ; ces comportements qui assurent la conservation de l’individu et de l’espèce, présentent des caractères spécifiques. La notion d’instinct est donc liée à celle d’innéité et de spécificité ; elle est parfois appliquée au comportement humain. On a donné aussi le nom d’instinct tel ou tel comportement particulier ; on parlera aussi d’ instinct de conservation , d’instinct de reproduction.
La notion classique d’instinct est controversée."
Au niveau de la définition de l’instinct maternel c’est pareil :
Sarah Blaffer dans son livre « Les instincts maternels » développe celle-ci : la femme comme toutes femelles est instinctivement maternelle et nourricière, son instinct s’éveille avec la grossesse et résulte d’une modification hormonale durant cette période de cohabitation.(Elle est un peu macho.)
Personnellement, j’ai sur le sujet une vue plus réaliste et moins physiologique, cet instinct n’existe pas, il est le fruit de l’apprentissage résultant de notre vie en communauté.
Comme beaucoup de sociologues, je reconnais l’existence d’un instinct de conservation , d’un instinct de reproduction, d’un désir naturel d’enfant. Mais comme l’ont démontrés les études vétérinaires sur les souris, dont les mères mammifères ne montrent pas nécessairement un attachement systématique aux nouveau-nés juste après leur naissance. Disons plutôt que leur « instinct maternel » se développe progressivement, par petites étapes qui impliquent également le nourrisson. La nature ne peut être distinguée de la culture, et pourtant quelque chose dans l’imagination humaine nous prédispose à installer cette dichotomie. Nature contre culture, inné contre acquis. La persistance, pendant des décennies, d’une dichotomie inexistante me laisse perplexe. La découverte récente que les souris femelles dépourvues d’un gène particulier ne s’occupent pas de leurs petits a inévitablement suscité de nouveaux commentaires sur le gène « l’essence de l’instinct maternel », comme si elles l’avaient avec le gène et en étaient dépourvues sans lui. Le « sens inné du maternage » (selon les journaux) n’a peut-être rien d’inné, mais c’est à se demander si le besoin d’organiser l’information entre des oppositions binaires comme nature et culture ne l’est pas. »
L’histoire nous révèle que la notion d’amour maternel est étrangement évolutive. Après une longue période d’indifférence, marquée par le recours systématique dans les villes aux nourrices de campagne, la fin du 18e siècle voit naitre un nouveau comportement féminin. Le 19e siècle exalte et amplifie cet idéal de l’amour maternel…..c’est le sujet du livre d’Elisabeth Badinter l’amour en plus : histoire de l’amour maternel (XVIIe- XXe siècle) qui propose un parcours historique assez érudit présentant les différentes manifestations – ou absences – de ce fameux instinct maternel au cours de l’histoire et conclut assez naturellement à sa nature bien plus sociale que biologique un autre excellent ouvrage qui présente cette mutation dans une perspective encore plus historique est, celui devenu classique, d’Edward Shorter naissance de la famille moderne : XVIII e – XX e siècle.
Si je me lance dans cette longue digression c’est tout simplement parce qu’avec Claudine nous avons été voir Dimanche un bon film, moraliste mais pas moral, Gone Baby Gone.
C’est un film famillial à tous point de vue.
Tout d’abord son équipe et son réalisateur Ben Affleck. Comédien et scénariste accompli, Ben Affleck est l’un des plus jeunes auteurs à avoir remporté l’Oscar du meilleur scénario original. Il a reçu la statuette en 1998 pour WILL HUNTING, qu’il a coécrit avec l’acteur Matt Damon, et qui l’a révélé également en tant qu’acteur. Les deux hommes ont aussi obtenu le Golden Globe. Éclectique dans ses rôles, il a joué dans le film oscarisé de John Madden SHAKESPEARE IN LOVE, pour lequel il a été nommé à l’American Comedy Award 1999 du meilleur second rôle, dans la comédie romantique UN VENT DE FOLIE de Bronwen Hugues, pour laquelle il a été cité au Blockbuster Entertainment Award 2000 du meilleur acteur, et dans 200 CIGARETTES de Risa Bramon Garcia où il jouait avec
son jeune petit frère Casey Affleck qui a déjà lui aussi une carrière fournie. A sa filmographie figurent en outre LONESOME JIM de Steve Buscemi, SOUL SURVIVORS de Steve Carpenter, AMERICAN PIE 2 de James B. Rogers, ATTENTION SHOPPERS de Philip Charles MacKenzie, COMMITTED de Lisa Krueger, MAIS QUI A TUE MONA ? de Nick Gomez, LA COMPETITION de Charles T. Kanganis, et bien sûr DESERT BLUE de Morgan J. Freeman que l’on retrouve comme par hasard dans ce film ainsi que Ed Harris et bien d’autre. Je ne vais pas donner toute la distribution de cette impressionnante brochette.
C’est aussi un film sur l’amour maternel. Dans le scénario coécrit par Ben Affleck, il est perpétuellement présent. L’action se déroule dans une banlieue ouvrière de Boston, la petite Amanda, 4 ans, blonde, mignonne comme tout, a disparue. Comme l’enquête de la police est dans une impasse, l'oncle et la tante de l'enfant décident de faire appel à deux jeunes détectives privés, Patrick Kenzie et la douce Angie Gennaro.
Patrick et Angie connaissent bien le quartier mais n’ont pas l’habitude de ce genre d’enquête. Ils apprennent rapidement que la mère d'Amanda, Hélène, est toxicomane. Plus l'enquête avance, plus ils découvrent l'envers de Boston, et pénètrent ses bas-fonds dans ce qu'il y a de plus sombre. Ils persévèrent, au-delà des mensonges et s'enfoncent vers les secrets les plus noirs de la ville, là où règnent dealers, criminels et pédophiles. Pourtant, Amanda reste introuvable.
Face à la pression des médias, Rémy Bressant(Ed Harrys), un enquêteur tenace, et le capitaine de police Jack Doyle vont , eux aussi, s'attaquer à l'enquête et la vérité finira par surgir.
J’ai horreur de dévoiler les ressorts des bons films et de gâcher ainsi la surprise de ceux qui vont le voir. Mais celui-ci fini sur une question de choix entre le respect de la loi et la nature de la famille et la voie choisie par le héros n’est pas celle que nous aurions pris Claudine et moi. En l’occurrence, nous aurions choisi d’enfreindre cette loi et les us et coutumes qui s’y rapportent. Je soupçonne la « Famille Affleck » de nous y avoir poussé. En effet, derrière ce film policier, la tuerie, l’horreur et le sang, les courses poursuites et tout ce qui en fait une bonne distraction, se cache la question de l’amour ou de l’instinct maternel et ce n’est pas une affaire à prendre à la légère.


eXTReMe Tracker