mardi, janvier 29, 2008

Le faubourg Saint-Denis : du 38 au 36

Douze et seize ans, les aspirations commencent à diverger et tandis que mon frère demandait son émancipation pour travailler à la reprise du commerce familial, on m’envoyait en pension pour mater mon esprit rebelle et faire fructifier mes capacités scolaires cachées.
Durant ces quatre années d’absences, mon frère et le bar déménagèrent pour s’installer au sixième étage du 36, l’immeuble voisin. J’abandonnai la peinture et mes lectures envahirent la bibliothèque, le cosi et même chassèrent les moutons de dessous mon lit.
A la place qu’occupait mon frère, j’installais mon bureau et ma grosse machine à écrire noire dont j’attendais tant d’inspiration.
Quatre années d’études et de progrès, de découvertes aussi, mais c’est une autre histoire, qui s’achevèrent dans le drame.
J’en ai voulu longtemps à Mme Puché, mais avec le temps, j’ai appris à faire la distinction entre le message et le messager. Lorsque je rentrais le samedi matin, je trouvais le magasin fermé, et chez mes parents, mes sœurs en larme et Mme Puché m’annonçant le décès de mon frère et de son amie.
Ce fut une année studieuse pour trois raisons :
- Mes parents m’avaient aménagés un coin d’étude, directement dans le laboratoire où je devais étudier de 17 à 20 heures (heure de la fermeture) sous étroite surveillance.
- Je pensais qu’en leur donnant satisfaction, cela apaiserait leur souffrance.
- La filière que j’avais choisie satisfaisait mon imagination.
En effet, j’avais opté pour l’informatique, une science alors naissante qui s’accordait à mes lectures d’anticipation, à l’école centrale d’électronique dans la si bien nommée Rue de la Lune, de l’autre côté du boulevard. J’allais chaque week-end chercher mes sœurs dans leur pension de Saint Maur des Fossés. J’obtins donc assez facilement mon Certificat d’Aptitudes aux fonctions informatiques(CAPFI).
Est-ce une réaction psychosomatique à la perte de son premier né ? Toujours est-il que ma mère généra un fibrome malin nécessitant une ablation totale et des séances de radiothérapie. Je délaissais alors un peu mes études pour être à son chevet. Sans héritiers à qui transmettre leur vocation, mes parents décidèrent de vendre leur boutique où ils avaient tant de bons souvenirs et m’établirent dans un vrai studio au deuxième étage du 36, tandis qu’ils partaient s’installer dans leur maison de campagne.


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