mercredi, mai 09, 2007

Les ponts

Le joli mois de Mai que l’on inaugure par du muguet dont le brin porte traditionnellement bonheur le jour de la fête du travail, se trouve paradoxalement le plus chômé de l’année. Il est truffé de ponts. De ces ponts qui enjambent de laborieux jours entre deux vacances, ils ne me font pas peur. Ce sont bien les seuls. Plus que la hauteur, sentir sous mes pas la fuite éperdue des eaux réveille mon imagination inexorablement fascinée par cet épanchement. A son bord, le plus puissant tablier conçu par l’homme se transforme d’autant plus en faible planches qu’il est long et haut. A la rigueur, une solide rambarde serait à même de me rassurer, malheureusement, mes contemporains ont un sens artistique plus enclins aux arachnéens haubans qu’aux solides solives et plus leur lyrisme les poussent à de subtiles envolées, plus mon vertige en fait autant. Je deviens bien malgré moi le siège d’une implacable lutte entre mes naturelles pulsions de mort, poussé par une curiosité malsaine et une soif de vivre qui en ces moments là semble inépuisable. Le tout provocant une répulsion primaire qui en m’éloignant d’un bord, me pousse vers l’autre. Cette lutte me fait perdre la confiance que je mets habituellement dans la maitrise de mes mouvements et la crainte d’un faux pas, quelque puisse être la résistance des garde-fous, vient renforcer cette sensation de perte d’équilibre. Inévitablement, le corps en tentant de circonvenir la perte d’équilibre, compense trop fortement le mouvement et le balancier se retrouve soit à quatre pattes, soit agrippé quand il n’est pas serti à la si faible protection d’une main courante. Le terme est judicieux, car hors de ma main, elle ondule et se débat autant que le souple tablier que secoue un invisible séisme. A vrai dire, je ne saurais définir si le tremblement trouve son origine en moi ou dans la danse des filins qui s’effilochent.
Enfin, cela n’est rien dont courage et force de l’esprit ne puisse venir à bout. Même à quatre pates, un pont se traverse plus ou moins vite. Par contre, vous ne me ferrez pas longer une écluse.


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