vendredi, juin 15, 2007

"Mademoiselle"


Demoiselle aux grand yeux
Originally uploaded by rapino.

Je me souviens qu’il n’y a pas si longtemps les gratte-papiers de la sécurité sociale envisageaient de supprimer de leurs courriers administratifs ce qualificatif. Ils le jugeaient négativement connoté . En fait, ils ne voyaient derrière ce terme que le visage d’une vieille fille aigrie. Mais je me souviens aussi d’un temps où l’on faisait la subtile distinction entre un Demoiselle et Mademoiselle comme nous la faisions entre un Madame et Dame. Il s’agissait alors d’une réelle marque de respect et c’était faire preuve de familiarité que d’y accoler le moindre possessif.
Les marques de respect actuelles semblent bien ternes ainsi réduites aux seuls attributs sexuels. On n’y mêlent plus la condescendance due à la position sociale ou à l’indépendance financière qui y étaient alors sous entendus. Dieu sait que la pauvre Demoiselle Hermann se serait retournée dans sa tombe si nous avions oubliés ce qu’elle considérait comme un titre honorifique, la marque de sa totale indépendance tant sociale que financière. Il ne serait bien sûr venu à l’esprit de personne de voir en cette honorable vieille Dame une vieille fille ou une fille facile. Elle jetait ce titre de gloire comme un camouflet aux femmes de sa génération qui n’obtenaient considération que par la position sociale de l’homme. Elle n’aurait pas admis pour autant l’usage du Mademoiselle, non qu’elle en eut fait une question d’âge, mais ce qualificatif ne s’appliquait pour elle qu’entre membre d’une même maisonnée. Même si nous passions nos vacances ensemble, elle ne m’a qualifié que de « Jeune homme » et mes sœurs de « Demoiselles ». Je n’aurais pas été étonné de l’entendre m’appeler Damoiseau.
Avec Mademoiselle Labos, le respect était le même et si j’ai choisi d’inscrire Matthieu à l’école privé Saint-Joseph qu’elle dirigeait, c’est essentiellement parce que le projet éducatif qu’elle y avait mis en place reposait sur le respect mutuel et la politesse qui en découle. Ce sont là des valeurs qui sont mienne et qu’il me semblait primordial d’inculquer à mon fils dès sa plus tendre enfance. Tout en maintenant l’indépendance et les prérogatives de l’équipe enseignante, elle avait réussi à transformer l’établissement hérité d’une congrégation religieuse en une extension de nos foyers. Elle avait su motiver les bénévoles de l’association des parents de l’école libre pour que nous fassions de ce lieu d’apprentissage un bâtiment frais, conviviale et intime.
Si nous usions du Mademoiselle avec elle, c’était autant par respect que parce que nous nous y sentions en famille. Elle s’était constitué une immense famille qui aujourd’hui pleure la douleur de l’avoir perdu dans sa cinquante neuvième année, emportée par un vilain crabe.
Mes respects, Mademoiselle.


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