Mamies connections ou trafic du troisième âge
On discute beaucoup en cette période pré-électorale du montant des pensions de retraite, des difficultés financières de la filière bancaire et des économies que doivent faire les états européens. Peu de monde se demande d’où peuvent survenir tous ces problèmes économiques et comme beaucoup, j’avais jusqu’à quelques jours tendance à répondre : « C’est la crise ! ». Comme si cette petite interjection contenait toutes les réponses, mais, depuis, j’ai eu la chance d’être confronté à la « Mamies connections » et son économie parallèle. Mes valeurs morales et économiques en sont sorties bien ébranlées.
Je vous narres :
J’officies dans une association qui prônes la valeur des rencontres intergénérationnelles et je vous assure que lors de ces rencontres, on en apprends de belles. Comme je ne sais pas trop comment vous raconter ce que j’y ai appris, je vais tenter de vous le résumer sous la forme d’un petit dialogue. Tentez d’imaginer deux dames pimpantes et aux cheveux blancs face à moi-même. L’une, disons Madame A et l’autre Mademoiselle B. Madame A, 72 ans, divorcée me racontait avant de lâcher cette bombe, qu’elle vit chichement avec pour seules ressources la pension que lui verse son mari. De son côté et à la façon dont elle acquiesce, on sent que mademoiselle B, 71 ans, ne roule pas sur l’or non plus.
Madame A parlant de Mademoiselle B : « Il n’y a pas longtemps que l’on se connaît. On s’est rencontré lors d’un voyage promotionnel. Depuis on les fait tous à deux. A deux c’est mieux. ».
François : « Vous en faites beaucoup des voyages comme ceux là ? »
Madame A : « Environ deux par mois, en fait, tous les quinze jours. Ils passent les jeudi dans notre quartier, le point de ralliement c’est la gare. Bon, il y a bien le problème du retour. Comme on rentre vers 21 heures, j’en ai pour 18 euros de taxi à chaque fois. En plus comme on doit payer en espèces, ça m’oblige à traverser Amiens le matin avec plus de milles euros en liquide. ».
François carrément effaré : « Milles euros ! Mais ce n’est plus du voyage promotionnel ! Mademoiselle B, dites lui qu’il ne faut pas qu’elle dilapide son argent à acheter des sa**peries. Et en liquide en plus ! ».
Mademoiselle B : « Oh ! C’est pas grave. Elle n’achète que des cigarettes ! ».
François toujours aussi secoué : « Milles euros de cigarettes ! ».
Madame A : « Ca paye mon voyage. Je prends une vingtaine de cartouche et je fais deux euros de bénéfice par paquet. Comme un voyage coûte trente et un euros et que je m’accorde soixante dix euros d’habits ou de verroteries, je gagne environ trois cents euros par voyage. Avec deux voyages par mois, ça met du beurre dans les épinards. ».
François : « Vous arrivez à vendre tous vos paquets sans vous faire prendre ? »
Madame A : « Oh ! Les trois quart sont vendues par ma petite fille à l’école, le reste, c’est les voisins. ».
François, dont le regard passe d’une septuagénaire à l’autre : « Mais c’est illégal ! Vous risquez la prison, je crois que l’on n’a pas le droit de passer plus de deux ou trois cartouches par personne ! ».
Madame A : « Mais, tout le monde le fait ! Il y en a même qui viennent avec de grands sacs qui contiennent une centaine de cartouches. Moi, je n’ai qu’une simple valise. ».
François : « Mais vous êtes combien dans ces voyages ? ».
Madame A : « Je ne sais pas, environ huit cents personnes. Ils nous emmènent en Belgique, servent le petit déjeuner le matin, le repas du midi et l’après midi, il y a même un spectacle. Alors pour trente et un euro, ça nous fait passer une bonne journée tout en nous rapportant dix fois plus. ».
François cherchant l’approbation de Mademoiselle B : « Vous en faites autant ? ».
Mademoiselle B : « Oh ! Non, moi, je ne ferais jamais rien d’illégale. Je lui ai déjà dit de faire comme moi. Je n’achète que des sceaux de tabac à rouler. Pour un sceau, ils vous offrent une boite de cents tubes que j’utilise pour ma consommation et quand au reste, rentrée à Amiens je fais des petits sachets… Il y a moins de risques et ça rapporte plus. »