vendredi, janvier 05, 2007

Chinese Dragon

L’inspiration me manquait hier. Mais, comme généralement dans les couples, lorsqu’elle manque à l’un, l’autre est inspiré et ma miss me dit :
-« Parle leur du film que tu as vu mardi. »
-« Bof ! » répondis-je. Vous aurez deviné qu’il s’agit là de mon interjection préférée.
- « Il ne t’as pas plu ? »
- « Si, mais sans plus ». Il se joue actuellement au Gaumont le film Eragon mais il ne m’a inspiré ni critique, ni éloge.
- « As-tu déjà évoqué ton admiration pour les dragons ? »
- « Les dragons ! Quels dragons ? »
- « Je ne te parle pas des militaires, mais de tout ceux qui trainent dans ta bibliothèque. »
Ma muse avait mi le doigt dessus, livrant à mon introspection une nouvelle facette de ma carapace. Effectivement, je ne m’en étais jamais rendu compte, mais j’aime les dragons »
POURQUOI ?
J’ai bien fini par le découvrir à force de triturer ce muscle bulbeux qui me permet de réfléchir à ma pauvre condition. C’est tout simplement que j’en suis un moi-même. Bien évidemment, c’est comme pour les vierges, les lions ou les cancers, cela ne se voit pas au premier regard. De toutes les façons, je prends garde dans la journée à dissimuler mon état. Personne, lorsque je fais les courses ou que je bosse, n’irait s’imaginer que le soir venu, dans l’intimité de notre chambre : Je fléchis les jambes avant de prendre une grande impulsion libératrice. Que mes bras brassent l’éther et que je prends un pénible essor vers les cieux sombres. Je nage alors dans les vents, délaissant, comme de vieux oripeaux, la pesanteur flasque de mon corps sur la couche. Loin de ces regards qui m’enchainent au sol, je voyage vers de lointaines et magiques contrées.
N’allez surtout pas croire que l’on nait « dragon », que voler est aussi aisé que de rêver. C’est le fruit d’un long et pénible entrainement.
J’ai commencé assez tôt, à vrai dire dès mon plus jeune âge. Certes au début, mes envols ressemblaient plutôt à des sauts, et lorsque à la piscine, je découvris la nage indienne et la brasse, je compris que les mêmes règles régissaient l’air et l’eau. Qu’en brassant ainsi l’air, avec régularité et force, je pourrai repousser derrière moi cet air et cette humidité qui m ‘environnait. Je devinais dans le même temps qu’il me faudrait développer les muscles des épaules d’autant que mes premiers décollages qui me portaient de corniches en gouttières sur les toits parisiens se soldaient bien souvent par une chute violente en des milieu où il est bien embarrassant de se retrouver nu. En effet, il n’était pas rare à l’époque que les vents ne me portent jusqu’aux grands boulevards parisiens et leurs théâtres et qu’il s’y trouve un badaud curieux pour élever les yeux et tendre un doigt surpris au moment même où mon rythme cardiaque et volatile subissait une dératée. Dieu que les retours à la chambrée étaient pénibles alors.
Puis vinrent les moments de secrètes gloires, où d’un coup de rein puissant, les bras tendus et recouvert de mon ophidienne mue, tel un héros de bandes dessinée, je m’élevait altier tout d’abord vers les cimes puis par la laiteuse voie j’atteignais les galaxies.
Je vole moins souvent maintenant mais cela m’arrive encore sans que je m’en rende compte, un peu comme Odette Toulemonde.


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