M. Culligan

Hier, il est passé sur l’une des 200 chaîne du satellite le film avec Bruce Willis « Mon voisin le tueur ». Je me demande pourquoi je commence à vous en parler parce que mon voisin à moi est très gentil. Je dirais même attentif, limite attentionné. Non pas que mes autres voisins ne le soient pas. J’en ai plusieurs. Mais lui, il est exceptionnel. Il est un peu porté sur l’écologie, c’est son principal sujet de conversation, sa marotte et son dada. Il fait tout, se bat pour que nous ayons une eau pure et propre.
C’est sur, il n’a pas que des qualité, bien souvent, il en vient à garer l’une de ses voitures en face de notre domicile sur le trottoir, bien souvent, je suis tenté de pester contre cette incivilité, mais je sais combien coûte une contravention pour stationnement sur le trottoir puisque lorsque c’est moi qui occupe cette place, les forces de l’ordre ne manquent jamais de quitter leur paisible retraite pour me verbaliser. C’est bien la preuve qu’il est aimé de tous puisque lorsqu’il s’y gare durant des heures quand ce n’est pas la journée, jamais le moindre képi ne se présente.
Conscient de ce grave manquement aux règles du bon voisinage, cet excellent voisin a cru bon devoir faire un geste envers ce digne représentant de la population amiénoise qui partage la même coure (oui, oui, c’est de moi dont il s’agit). Il m’a offert un cadeau. Pas n’importe quel cadeau. Je ne sais pas comment il s’y est pris pour avoir la liste de ce qui me ferait plaisir mais il a tapé dans le mille. A-t’il passé son temps à observer mes allés et venues, a-t’il déposé en de stratégiques emplacements des micros ou des caméras de surveillance ?
En tous les cas, je ne lui en veux pas puisqu’il a trouvé exactement ce qui me ferait plaisir. Je n’en avais parlé à personne, mais malheureusement, mon agenda arrivait à son terme. Après le 31 janvier, je n’aurais plus pu noter mes rendez-vous ou mes réunions. Ors, comme j’ai très peu de mémoire, il y a gros à parier que je n’aurais pu honorer toutes mes obligations. Avouez que cela aurait été fort dommage. Mais c’est de l’histoire ancienne.
Donc, hier matin, alors que j’observais l’une de ses magnifiques 206 bleue marine en pensant tristement à ma pauvre Titine, écartelée, démembrée, désossée même, entre les pattes grasses et pleine de cambouis du beau frère de mon garagiste habituel. Lorsque soudain, sortant de son pas de porte pour se diriger vers son véhicule qui obstruait l’accès à tous nos garages, je vis Monsieur Culligan, son éternel porte-document sous le bras, bifurquer directement vers moi en arborant son sourire commercial et ravageur.
-« Je ne vous ai pas gêné ? » me dit t’il en me tendant une patte beaucoup plus propre de celle du beau- frère de mon garagiste qui n’a rien à voir dans cette histoire mais qui occupait alors mes pensées.
Face à ce genre d’affirmation qui se veut une question, je suis toujours décontenancé. Il me faut toujours une bonne petite minute pour réfléchir au contenu de ma réponse. Si je dis « Oui », mon consentement vat au fait qu’il ne m’a pas gêné, il accrédite son affirmation, mais si je dis « Non », il considérera que je dénie moi-même la gêne occasionnée….Bref, vous voyez dans quel merdier se débattait ma conscience tandis que sa patte, très propre et manucurée, pas comme …bref, pendant qu’il me serrait la main. A peine avait’ il relâché ma main qu’il se met à fourailler dans le cartable de cuir qui lui sert de porte document et me sort un magnifique ouvrage relié de molesquine bleue sur laquelle est gravée en relief le titre et son auteur : 2007 par CulliganÒ.
Tandis que je fini de murmurer le plus indistinctement possible le « Si » auquel j’étais parvenu, il me tend l’ouvrage en me disant :
-« C’est pour me faire pardonner la gêne que je vous occasionne parfois. »
Je m’interrogeais sur la vitesse à laquelle il a changé d’avis tout en caressant ce magnifique agenda 2007 lorsqu’il ajouta :
-« Bonne et heureuse année 2007, n’oubliez pas que la qualité de l’eau est essentielle et que l’eau c’est notre métier. Pour améliorer durablement votre confort et votre bien-être, mieux vaut vous adresser à un professionnel ayant de l’expérience. Monsieur Culligan est né en 1893 dans une ferme du Dakota du Sud aux Etats-Unis. Il fut obligé de vendre une partie de ses terres pour faire face à la grande dépression de 1921 et pour se reconvertir, il lui vient à l’idée de réaliser son premier adoucisseur d’eau en utilisant une boite à café au fond perforé…. »

A votre avis, je dois investir ?