C'était un grand arbre...
Bien souvent, je m’inquiète de la pauvreté du vocabulaire que mes contemporains utilisent, oublieuse qu’est cette nouvelle génération, de la beauté du langage et de l’importance de la précision.
C’est en lisant un panneau présentant la flore sur la route de La chapelle à La Fontaine Bonneleau que je me faisait la réflexion : combien le nom de ces arbres était romantique, faisant allusion à ces plantes, les précisant et nous permettant de les distinguer les uns des autres. Ils permettent en deux ou trois mots de préciser ce qui pour l’ignorant nécessiterait un bon paragraphe.
« L’Aulne Glutineux, le verne ou Alnus Gluttinosa : L’Aulne est une variété d’arbre qui perd ses feuilles chaque hivers. Ils sont fréquents dans les zones humides, peuvent atteindre 25 à 30 mètres. Les aulnes forment des futaies appelées « aulnaies ». Pour les anciens Bretons, l'aulne était l'arbre de l'union, il faisait partie du bosquet sacré des druides. Chez les Grecs et les Romains, c’était l'arbre de la mort. Il doit son appellation « verne » au celtique. Leur bois d'une couleur rouge caractéristique est imputrescible et extrêmement léger, il est employé notamment pour les pieux de pontons, des mats, des boucliers, et maintenant la fabrication de guitares. Le qualificatif de « Glutineux » vient des feuilles vertes sombres dessus, plus claires dessous, grossièrement ovales, dont le contact est poisseux mais aussi de son écorce profondément rainurée de laquelle s’écoule parfois de la sève au gluten. Voilà, tout est dit dans le terme glutineux : Une matière qui contenant du gluten est poisseuse, collante comme la glu (colle issue de l’écorce des arbres, plus spécifiquement le houx.).
Le bouleau blanc ou Betula Pendula : Les bouleaux forment des futaies appelées boulaies ou boulinières. Sont nom provient de l’ancien français « boulaie », le bois ou la petite fôret. Cet arbre caduc majestueux de la famille des betulaceae fleurit d'avril à mai. Ses fruits sont des cônes allongés de 10 cm de longueur, dressés puis pendants pour le mâle et de 3 cm dressés pour la femelle. Cet arbre à l'écorce blanche écaillée peut atteindre 20 à 30 m de hauteur et jusqu'à 60 cm de diamètre à la base. Sa croissance est très rapide, près de 12 mètres en 20 ans. Sa durée de vie est estimée à 100 ans. Sa sève riche en composés actifs, ainsi que son écorce, recèle de nombreuses propriétés. Il tiens le terme de pendula à ses rameaux nus qui retombent.
Le Charme commun ou Carpinus Betulus : Le « Charme dérive du nom latin du charme commun, carpinus. Ce mot viendrait des racines celtiques, car, désignant le bois et pen désignant la tête, car le bois de charme servait à fabriquer les jougs des bœufs comme des esclaves
Le Chêne pédonculé ou Quercus Robur : Le bois de chêne, du chêne pédonculé et du chêne rouvre était utilisé en Europe pour la construction navale jusqu'au XIXe siècle et les principales essences de bois utilisées dans la construction des charpentes en bois des bâtiments en Europe. Aujourd'hui le bois de chêne reste couramment utilisé dans la menuiserie, la parquèterie, et la production de plaquage. Les tonneaux dans lesquels les vins rouges, xérès et d'autres spiritueux tel que le scotch whisky et le bourbon sont vieillis, sont des fûts de chênes. Les tonneaux de chêne contribuent à la saveur vanillée de ces boissons. Les copeaux de bois de chênes sont utilisés pour le fumage du poisson, de la viande, du fromage et d'autres produits alimentaires. Le terme « Quercus » viendrait du breton kàer gwez, le bel arbre.
L’Erable Champètre, Acer Campestris ou l’Erable Sycomore, Acer Pseudoplatanus : Le mot latin Acer signifie pointu. La langue française en a tiré le mot acéré (tranchant). L'arbre doit ce nom à son bois qui servait, dans l'antiquité, à la fabrication de lances autant qu’à sa forme en as de pique.
L’Hêtre Commun ou Fagus Sylvatica : Le latin fagus a donné les termes fol, fou, fau, foutel pour désigner cet arbre en ancien français et dans les dialectes. d'où fouailler « fouetter » ( fouaille petit bois de hêtre utilisé comme combustible anglais fuel ) et fouet, à l'origine « petit hêtre ». Le terme hêtre est issu du francique *haistr le terme est surtout picard. Symbole de sagesse, il est l'un des quatre piliers (avec le chêne, le bouleau et l'olivier) de l'année solaire chez les anciens Celtes. Rien ne remplace la puissance calorifique de son bois.
Le Merisier ou Prunus avium encore appelé "cerisier des oiseaux" ou "cerisier sauvage" est un arbre originaire du Moyen-Orient appartenant au genre Prunus. Le nom de sont fruit est la Merise, Il est a l’origine de nos Cerises actuelles.
Le Noyer ou Juglaris Regia encore appelé noyer royal (Juglans regia), est un arbre assez commun, originaire d'Eurasie, cultivé pour son bois recherché en ébénisterie et ses fruits, les noix, riches en huile. Il tire l’appellation de royal du fait que tous les noyers étaient sensés appartenir au roi. Ils produisent un bois dur, agréablement veiné et coloré très réputé en ameublement et placage. Les racines du noyers sont utilisées sous le nom de ronce de noyer. Le noyer produit du juglon qui, par un phénomène d'allélopathie, empêche les autres plantes de pousser autour du noyer, d’où l’appellation Juglaris.
Le Saule Marsault ou Salix Caprea : Contrairement aux apparences, le terme français « saule » n'est pas issu du latin salix, accusatif salĭcem qui a donné en ancien français saus et sausse, mais du germanique *salχaz > francique *salha1(Cf. vieil anglais salh )2. Une rangée régulière de saules est dénommée une saulée3. Une saulaie est un endroit où poussent des saules, tout comme une saussaie, terme vieilli et régional. Dans les mythologies orientales et chrétiennes, le saule est symbole d'immortalité. Le saule jouit d'un ambassadeur célèbre : Alfred de Musset , qui appréciait cet arbre. Voici un extrait de son poème Le Saule :
« Mes chers amis, quand je mourrai,
Plantez un saule au cimetière.
J’aime son feuillage éploré ;
La pâleur m’en est douce et chère,
Et son ombre sera légère
À la terre où je dormirai ».
Tous de magnifiques noms pour de magnifiques arbres. Ceux qui me connaissent auront compris que je viens de finir la biographie de Françoise Hardy dont je vous parlais il y a quelques jours et qui doit son titre au nom étrange de l’arbre appelé lui : le désespoir des singes ou « Araucaria du Chili ».