Pour ceux qui n'auraient pas eu l'occasion de voir l'interview de François Fillon par Laurence Ferrarri et qui s'inquiéteraient pour notre avenir :
LAURENCE FERRARI
Ce soir notre invité c’est le Premier ministre François FILLON, bonsoir.
FRANÇOIS FILLON
Bonsoir.
LAURENCE FERRARI
Merci de répondre à nos questions. La situation est très tendue en Grèce, on l’a vu dans le reportage. Les Français sont également inquiets car ils craignent que cette crise financière puisse toucher toute l’Europe. Est-ce que vous craignez que la France soit touchée, Monsieur le Premier ministre ?
FRANÇOIS FILLON
On a en ce moment une attaque spéculative forte, depuis plusieurs semaines et qui s’est renforcée ces derniers jours contre l’euro, pas seulement contre la Grèce, mais contre l’euro. Je dis que cette attaque va échouer et elle va échouer pour deux raisons. D’abord parce que la zone euro est solide. Contrairement à une idée reçue la zone euro est la moins endettée de toutes les grandes zones du monde. La zone euro est moins endettée que les Etats-Unis ou que le Japon. Et ensuite parce que nous allons manifester, et nous avons manifesté, une solidarité sans faille à l’égard de la Grèce. Je mesure l’émotion qui est celle du peuple grec. Je mesure l’effort qui est demandé au peuple grec. Je salue le courage du Premier ministre socialiste PAPANDREOUS. Mais je dis que la solidarité de l’Europe à l’égard de la Grèce sera totale. Nous allons apporter 110 milliards d’euros qui vont permettre à la Grèce d’honorer pendant les 18 mois, les 2 ans qui viennent, toutes ses échéances.
LAURENCE FERRARI
Donc vous êtes confiant pour la stabilité de la zone euro, c’est bien cela. Mais concernant la France, puisque c’était ça ma question, est-ce que vous pensez que la France risque d’être touchée, impactée par cette crise financière ?
FRANÇOIS FILLON
La France est aujourd’hui, avec l’Allemagne, la meilleure signature en Europe. Et nous devons naturellement tout faire pour conserver cette signature. Parce que, d’abord pour nous, pour notre propre croissance mais aussi parce que c’est un des piliers de cette stabilité européenne, qui est le rempart que nous opposons à la spéculation. Et donc quand on regarde ce qui se passe en Grèce, quand on regarde les menaces qui pèsent sur d’autres pays en Europe on voit bien que ce qui est important pour préserver cette signature, c’est de faire des réformes, de réduire les déficits, de ne pas rester immobile, face à un monde qui est en train de changer et c’est ce que nous, nous allons faire. Je vais réunir demain l’ensemble du gouvernement dans un séminaire gouvernemental pour préparer le budget 2011 et le budget 2012 et on va prendre des décisions qui seront des décisions difficiles.
LAURENCE FERRARI
Alors des mesures drastiques ? Je veux dire, effectivement vous parlez de la dette publique, elle est énorme en France. Est-ce que vous allez prendre des mesures concrètes pour la réduire ?
FRANÇOIS FILLON
La dette de notre pays s’est accrue avec la crise, parce que nous avons estimé nécessaire pour empêcher la crise d’étouffer complètement l’économie française, d’investir et de soutenir la consommation. Mais maintenant il faut la réduire. Donc on va prendre des mesures qui seront des mesures difficiles. On va baisser…
LAURENCE FERRARI
Lesquelles ?
FRANÇOIS FILLON
On va baisser la dépense publique. C’est-à-dire quand je parle de la dépense publique c’est la dépense de l’Etat, c’est la dépense des collectivités locales et ce sont les dépenses sociales. Il faut que cette dépense publique par rapport au Produit Intérieur Brut, par rapport à la richesse nationale, baisse. On va faire en deux ans, cinq milliards d’économie sur les niches fiscales. C’est un objectif impératif que je fixerai demain aux membres du gouvernement. Et puis…
LAURENCE FERRARI
Ca permettra de réduire les 1.500 milliards d’euros…
FRANÇOIS FILLON
Ca permet de réduire le déficit et comme nous avons les prévisions de croissance les meilleures de toute la zone euro, pour 2010 comme pour 2011, ça veut dire qu’avec la croissance progressivement nous allons réduire notre endettement. Mais dans l’immédiat, ce qu’il faut c’est réduire le déficit. C’est nous rapprocher des critères du pacte de stabilité européen, qui doit être respecté. On voit ce qui se passe quand il n’est pas respecté avec la situation de la Grèce. Et on va le faire, en demandant un certain nombre d’efforts à tout le monde, parce qu’il faut en faire. Mais en même temps, sans mettre en oeuvre ce que l’on qualifie d’un plan de rigueur, parce que nous continuons à investir dans des domaines qui sont des domaines essentiels pour la croissance de l’économie française. Et j’ai cette semaine même, débloqué les premiers 7 milliards du grand emprunt pour investir sur des secteurs stratégiques de l’économie française, qui créeront les emplois de demain.
LAURENCE FERRARI
Donc, pas de plan de rigueur mais une réduction des déficits publics.
FRANÇOIS FILLON
Il faut baisser la dépense. On est dans un pays qui a atteint des niveaux de dépenses publiques trop élevés. Et aujourd’hui je pense que ce qui se passe dans le reste du monde nous montre que quand on fait des réformes à temps… C’est la force du Président de la République depuis trois ans, d’avoir engagé un très, très important effort de réformes qui parfois déstabilisent un peu nos concitoyens. C’est cet effort de réformes qui fait qu’aujourd’hui la France et l’Allemagne sont au même niveau, s’agissant de leur signature financière et de la confiance qu’ils inspirent au marché.
LAURENCE FERRARI
Justement, est-ce que cette instabilité financière peut avoir un impact sur la réforme des retraites que vous êtes en train de mener ?
FRANÇOIS FILLON
Ce qui est sûr c’est qu’aucun pays ne peut se permettre de laisser dériver le financement de ses régimes de retraites. Parce que c’est immoral, c’est gâcher l’avenir des générations futures.
LAURENCE FERRARI
Nous sommes le pays européen qui a l’âge de départ à la retraite le plus précoce, hein, c’est cela ?
FRANÇOIS FILLON
Après la Grèce. Justement. Donc ce qui est important, un régime de retraites ça se pilote. Ca s’adapte à la situation démographique et ça s’adapte à la situation économique. On sait qu’il faut, si on ne veut pas creuser les déficits et mettre les retraités de demain dans une situation extrêmement difficile, prendre des mesures. Donc on a ouvert une concertation très large avec les partenaires sociaux, avec les parties politiques, on écoute tout ce qu’ils nous proposent et on va mettre toutes les solutions qui sont proposées par les uns et les autres, au banc d’essai. C’est-à-dire qu’on va dire aux Français, dans quelques jours, quand on aura fini cette concertation : voilà ce que valent les solutions qui sont proposées par les uns et par les autres.
LAURENCE FERRARI
Par le Parti socialiste, par les syndicats…
FRANÇOIS FILLON
Qu’est-ce qu’elles valent en terme de solutions au problème du déficit. Parce qu’on entend parfois dire qu’en taxant tel ou tel revenu financier on va résoudre les problèmes des retraites, on est souvent sur des échelles qui n’ont rien à voir. Qu’est-ce que ces mesures peuvent avoir comme impact sur l’économie française, sur le pouvoir d’achat des Français ?Si on demande plus de cotisations, c’est moins de pouvoir d’achat des Français. Sur l’emploi : si on demande aux entreprises de financer plus. Et puis chacun prendra à ce moment-là, ses responsabilités. Et naturellement le gouvernement et la majorité prendront les leurs.
LAURENCE FERRARI
Mais quelle est votre conviction. Parce que c’est un dossier qui vous tient à coeur, le dossier des retraites. Vous êtes dessus depuis assez longtemps. Est-ce que vous êtes favorable à un départ à la retraite à 61 – 62 – 63 ans, comme on l’a entendu ?
FRANÇOIS FILLON
Je ne veux pas trancher cette question maintenant.
LAURENCE FERRARI
C’est-à-dire que vous n’avez pas de conviction là-dessus ?
FRANÇOIS FILLON
J’ai des convictions. J’ai défendu en 2003 une réforme qui a permis d’ailleurs de résoudre une partie du déficit, pas la totalité, qui notamment ne permet pas de résoudre l’impasse qui a été causée par cette crise économique et financière. Mais l’idée de base de cette réforme c’était que puisque la vie s’allonge, puisque la durée de vie s’allonge, il est normal de maintenir à peu près le même rapport entre le temps qu’on passe au travail et le temps qu’on passe à la retraite. Il ne s’agit pas de
faire travailler les Français plus et de réduire le temps qu’ils passent à la retraite. Il s’agit simplement de maintenir grosso modo les mêmes équilibres. Dans les années 60, l’espérance de vie était de 66 ans, l’espérance moyenne. Elle est aujourd’hui de 81 ans ; elle va continuer de croître et donc tous les autres pays européens, tous les pays développés ont fait le choix d’augmenter la durée de cotisation ou de repousser l’âge légal de la retraite. C’est donc une solution que nous étudions, parmi les autres.
LAURENCE FERRARI
« La France peut supporter la vérité ». C’est le titre de votre livre que vous avez publié il y a quelques années…
FRANÇOIS FILLON
J’en suis convaincu, oui…
LAURENCE FERRARI
Donc, vous êtes favorable à l’allongement et… au repoussement… pardon, de l’âge de la retraite ?
FRANÇOIS FILLON
Je suis favorable à ce que les retraités de demain puissent vivre décemment. Et je pense que tous ceux qui aujourd’hui pour des raisons électoralistes, souvent gesticulent en expliquant qu’il y a des solutions miracles pour financer les retraites, commettent une faute. On peut commettre des fautes politiques, j’allais dire qui sont effacées rapidement par le temps. Celle-là c’est une faute très, très grave. Et j’espère que les grandes formations politiques et en particulier le Parti Socialiste, qui ne s’est pas illustré depuis vingt ans sur cette question mais qui est animé par un débat, qui est un débat important, fera un effort dans le sens de la vérité.
LAURENCE FERRARI
Je parlais de repoussement… il s’agissait bien sûr, de report. Un mot de la loi sur le voile intégral. Elle sera examinée prochainement en Conseil des Ministres. Pourquoi faudra-t-il une procédure d’urgence. Est-ce que vous pensez que c’est une priorité absolue pour les Français, aujourd’hui ?
FRANÇOIS FILLON
Je pense que cette affaire d’urgence, c’est une affaire qui n’a aucun sens. La procédure accélérée, c’est la question de savoir au fond si le texte sera voté le 15 septembre ou le 15 octobre. Pour moi ça n’a aucune importance, que ce soit en procédure accélérée ou en procédure normale. La vraie question c’est : est-ce que notre pays va décider de prendre une mesure d’interdiction générale pour éradiquer une pratique qui n’est pas une pratique religieuse, qui est une pratique minoritaire, qui est une pratique sectaire et qui, de notre point de vue, est totalement contraire aux règles de la République ? Enfermer une femme dans une prison de toile c’est l’empêcher de s’intégrer. C’est l’isoler socialement. Et c’est donc aller contre les principes de la République française. Et c’est cela le vrai sujet. Et franchement, qu’on aboutisse à ce résultat le 15 septembre ou le 15 octobre ça n’a, à mon avis, pas d’importance. Ce qu’il faut maintenant c’est que le processus s’enclenche et que nous démontrions à nos concitoyens que sur des sujets aussi fondamentaux que ceux-là on est capable de se rassembler. Et je suis assez optimiste parce que les consultations que j’ai engagées avec les principales forces politiques, avec les grandes religions, me montrent qu’il y a au-delà des
problèmes de procédure, un assez large consensus sur l’idée que ce voile intégral doit être interdit sur notre territoire.
LAURENCE FERRARI
Un dernier mot, Monsieur le Premier ministre, ça fait trois ans que vous êtes au pouvoir avec le président Nicolas SARKOZY. Est-ce que vous souhaitez que votre bail à Matignon se prolonge jusqu’à la fin du quinquennat du président ?
FRANÇOIS FILLON
Vous savez que je ne vous répondrai pas sur cette question parce que…
LAURENCE FERRARI
Mais vous devez souhaiter quelque chose ?
FRANÇOIS FILLON
Mes souhaits je les garde pour moi, simplement puisqu’on est à trois ans de l’élection du président de la République, ce que je voudrais dire ce soir c’est que moi je suis fier d’avoir participé pendant trois ans à un travail de remise en mouvement de la France, il y a eu beaucoup de réformes importantes qui ont été faites. Je le disais tout à l’heure, peut-être qu’elles ont déstabilisé nos concitoyens mais quand ils feront le bilan ils constateront que la France est aujourd’hui en Europe le pays qui a fait le plus d’efforts de modernisation et qui, finalement c’est naturel, a les meilleurs résultats. On va sortir de cette crise les premiers devant les Allemands en terme de croissance, en terme d’augmentation du pouvoir d’achat des Français en 2009, et même…
LAURENCE FERRARI
Il n’y a pas eu d’échec, il n’y a pas eu d’erreur au cours de ces trois ans ?
FRANÇOIS FILLON
Bien sûr que si il y a eu des erreurs, bien sûr qu’ici ou là on a certainement commis des erreurs ou repoussé des réformes qui étaient nécessaires, tout est allé trop vite sur…
LAURENCE FERRARI
Lesquelles, la taxe carbone par exemple ?
FRANÇOIS FILLON
La taxe carbone, je regrette que le Conseil constitutionnel l’ait rendu impossible à mettre en oeuvre, et donc sans doute aurions-nous dû mieux la préparer. Mais dans l’ensemble ce que je retiens de ces trois ans c’est qu’alors que nous avons été confrontés à une crise sans précédent, nous sortons de cette crise avec les meilleures performances de tous les pays de la zone euro. Et je pense que les Français doivent en savoir gré au président de la République.
LAURENCE FERRARI
Donc 2012 vous n’y pensez pas en vous rasant le matin ?
FRANÇOIS FILLON
Non.
LAURENCE FERRARI
Merci beaucoup Monsieur le Premier ministre d’être venu ce soir sur TF1.
P.S.: Ce matin à la radio, on parlait de rigueur.