dimanche, juillet 03, 2011

L'open data et les données publiques, nouvel Eldorado ?

Les acteurs publics produisent énormément de données. Les enjeux relatifs à la communication de ces informations ne sont pas nouveaux, mais le contexte économique et technologique dans lequel elles s'inscrivent a évolué et désormais, ces données se doivent d'être des données ouvertes. Quelles sont les structures et les méthodes mises en place par les États pour faciliter et encourager l'exploitation des données publiques? Sont-elles véritablement un nouvel eldorado de l'économie numérique ?


Définition
D'après Wikipédia, "la notion de "donnée publique" couvre l'ensemble des données qui sont ou devraient être (légalement ou volontairement) publiées ou tenues à disposition du public, et qui sont produites ou collectées par un État, une collectivité territoriale, un organe parapublic, dans le cadre de leurs activités de service public.L'accessibilité de la donnée publique (qui implique aussi la Liberté d'accès aux documents administratifs) est un des éléments de la transparence d'une gouvernance, considérée par Guy Braibant comme faisant partie de la "troisième génération des droits de l'Homme" (après les droits civils et politiques obtenus en 1789, et les droits économiques et sociaux de 1936/1946)."


Etalab et data.gouv.fr
Créée par le décret n°2011-194 du 21 février 2011, la mission Etalab est chargée de la création d'un portail unique interministériel data.gouv.fr destiné à rassembler et à mettre à disposition librement l'ensemble des informations publiques de l'Etat, de ses établissements publics administratifs et, si elles le souhaitent, des collectivités territoriales et des personnes de droit public ou de droit privé chargées d'une mission de service public.

Les objectifs d'Etalab sont triples :
- Permettre la réutilisation des informations publiques la plus facile et la plus large possible ;
- Encourager l'innovation par toute la communauté des développeurs et des entrepreneurs pour soutenir le développement de l'économie numérique ;
- Contribuer à renforcer la transparence de l'action de l'Etat, mettre en valeur le travail des administrations.


Historique
La création d'Etalab découle de deux recommandations récentes. En 2008, dans son rapport France numérique 2012, Eric Besson proposait la création d'un portail unique des données publiques. En 2010, le rapport " Amélioration de la relation numérique à l'usager", dit rapport Riester, reprenait cette préconisation. Les données publiques concernées sont celles définies par la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal.


La mission a été créée dans un contexte où la diffusion et la réutilisation des données publiques est facilitée par les nouveaux moyens de communication, notamment mobiles. Cependant, la communication des documents administratifs n'est pas un sujet récent :
"Dans le droit français, la question des données publiques est liée à celle des documents administratifs qui les contiennent. Si les enjeux relatifs aux données publiques sont encore émergents, la question de la communication et de la publication des documents administratifs est présente dans notre droit national depuis plus de 125 ans."


Sans remonter si loin, on peut rappeler que la loi créant la CADA (Commission d'accès aux documents administratifs) date déjà de plus de 30 ans (17 juillet 1978) !La diffusion des données publiques s'inscrit donc dans un mouvement long, qui vise à accroître la transparence de l'Etat et à améliorer les relations entre l'administration et l'usager. Compte tenu des évolutions techniques et sociologiques, elle revêt également désormais une dimension économique. C'est aux Etats-Unis que l'exploitation des données publiques a commencé.


L'open data aux Etats-Unis
Les premiers projets ont vu le jour à l'échelle locale aux Etats-Unis. Dès 2005, plusieurs municipalités mettent en place des concours pour la réutilisation de données publiques. Parmi les pionniers : Washington, New York ou encore San Francisco. L'arrivée au pouvoir de Barack Obama a marqué un tournant dans l'histoire de l'open data. Dès sa prise de fonction, le président américain a signé le "Memorandum for Heads Executive Departments and Agencies on Transparency and Open Government", qui fixe une nouvelle politique en matière de transparence publique. Ce projet se concrétise au printemps 2009 par l'ouverture du site data.gov. Les administrations américaines ont désormais l'obligation d'y publier leurs informations dans un délai de quarante-cinq jours. (Les Etats-Unis, précurseurs de l'open data - Les Echos)


Outre la démocratie "transparente, ouverte et participative", le site data.gov "comporte d'autres objectifs comme encourager la recherche, favoriser l'apparition d'applications créatives susceptibles de simplifier la vie quotidienne, créer un écosystème d'innovation…". De fait, la mise à disposition des données publiques a eu un effet d'entraînement sur le développement d'applications destinées aux citoyens. La grande diffusion des smartphones et autres outils de communication grand public facilitant leur adoption rapide.


Un tremplin pour le développement d'applications
Dans un entretien à Regards sur le Numérique, Vivek Kundra, qui a piloté le projet data.gov américain, observe que la "libération de ces données a donné naissance à une économie des applications." Outre l'imagination des développeurs qui a surpris tout le monde, " on assiste à une explosion de ces communautés de développeurs" souligne-t-il.


Ainsi, la ville de Rennes a organisé un concours d'applications "Open Data" au début de cette année : "Rennes Métropole en accès libre". Ce projet pionnier en France devrait être reprit par plusieurs autres grandes villes. Comme il est expliqué sur le site internet de l'événement : "Ce concours entend récompenser des services innovants élaborés sur tous types de supports numériques (web, smart phone, téléphone mobile, autres supports) à partir des données publiques non nominatives ayant une dimension territoriale qui sont mises à disposition sur ce site et sur le site dédié aux données transports : http://data.keolis-rennes.com" . Plusieurs types d'applications ont reporté des prix dans des catégories diverses (accessibilité, mobilité, créativité et innovation pour les entreprises...).


Gratuité des données publiques et nouveau modèle économique
Le dynamisme induit par la publication des données publiques est ainsi une des motivations des projets gouvernementaux relatifs à l'open data. Pour fonctionner, ce modèle doit cependant rester gratuit. C'est le point de vue de Séverin Naudet, le directeur d'Etalab, pour qui la gratuité "doit être la norme, la redevance l'exception" :
"La nouvelle économie, dont les modèles sont encore souvent en construction, est fondée sur la notion d'exploration. Il ne faut donc pas créer de barrières à l'usage, au risque de freiner l'innovation. Toutes les grandes démocraties qui se sont lancées dans l'open data ont choisi une réutilisation la plus libre possible de leurs données publiques. C'est ce qui leur donne de la valeur, l'important n'étant pas ce qu'elles sont, mais ce qu'on peut en faire. La gratuité offrira aux entrepreneurs web la possibilité de créer les services innovants que l'Etat n'a pas encore conçus. Ce qui sera non seulement utile à tous, mais aussi générateur d'économies pour l'Etat." ( Séverin Naudet : "Pas d'innovation sans une libre utilisation des données")
Ce nouveau modèle économique peut notamment s'appuyer sur des partenariats public-privé. Ainsi, pour Bernard Stiegler, philosophe et directeur de recherche de l'Institut de recherche et d'innovation du centre Pompidou : "L'intelligence collective est devenue la principale valeur économique. Les meilleures idées naissent dans ces terreaux fertiles qui n'ont pas nécessairement de modèle immédiatement rentable. C'est le rôle de la puissance publique de favoriser, pourquoi pas dans le cadre de partenariats public-privé, la création d'espaces capables de les valoriser. C'est ce que l'on pourrait appeler le développement de "capabilités".


Sur la toile :

ETALAB : Le blog de la mission chargée de créer data.gouv.fr. http://blog.etalab.gouv.fr/


Opendata Paris : Le site de la politique Open Data de la Ville de Paris. L'ensemble des jeux de données publiés par les services de la Ville sous licence libre. http://opendata.paris.fr/opendata/jsp/site/Portal.jsp


Data.gov : Le site open data de l'administration américaine, qui fête ses 2 ans d'existence. http://www.data.gov


Data.gov.uk : Le site open data de l'administration anglaise. Accès aux données et aux applications. http://data.gov.uk/


Open Data sur RSLN : Tous les articles de la revue Regards sur le Numérique consacrés à l'open data. http://www.rslnmag.fr/tags/open-data/


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