mardi, février 08, 2011

Le discours d'un roi : si bien dis


Je ne suis pas un spécialiste de l’Histoire-Géo, mais, étant jeune, ma mère adorait plonger son nez et ses rêves entre les pages de « Point de vue-Images du monde ». Et, elle m’avait raconté, je ne sais plus à quelle occasion, l’histoire de cette roturière qui avait « dévoyé » l’héritier de la couronne britannique, poussant son frère sur le trône. Comme en plus, les premières critiques concernant ce film semblaient bonnes, ma curiosité était piquée et j’y suis allé. J’y suis allé d’abord tout seul puisque la Puce a horreur des films « historiques », puis nous y sommes retournés mais à deux cette fois puisque, ce n’est pas un film sur l’histoire mais l’histoire d’un homme qui va devoir affronter sa peur et ses démons.

Le contexte historique sert de prétexte à raconter le combat au quotidien d’un homme atteint de dyslalie. Rassurez vous je ne vais pas continuer à vous bassiner avec des termes trop technique. En fait, un homme atteint de dyslalie est communément appelé bègue. La dyslalie ou bégaiement, également appelé bégaiement persistant, ou bégaiement développemental persistant, est un trouble de la santé, concernant le débit de la parole chez les enfants ou adultes. Elle se reconnaît à un discours caractérisé par une répétition fréquente de sons et de syllabes ou par des hésitations, pauses fréquentes, pendant une durée d’au moins 3 mois, et est classée parmi les « désordres émotionnels ou comportementaux ». Dans notre société où la communication tiens une place primordiale, le bégaiement comprend souvent des répercussions psychologiques et sociales très lourdes pour la personne qui en est affectée. Il existe des cas de suicide où les conséquences du bégaiement sont un facteur avéré. Dans un grand nombre de pays, et pour les cas assez sévères, il est reconnu par les administrations comme étant un handicap. Certaines personnes concernées refusent au contraire les termes de maladie ou de handicap.

Albert Frederick Arthur Georges dit Berthie, second fils du roi Georges V passe les premières années de sa vie dans l’ombre de son frère ainé Edouard. Il est marié à Elizabeth Bowes-Lyon qui lui a donné deux filles dont l’actuelle reine Elizabeth. Il serait parfaitement heureux s’il n’était atteint d’une dyslalie qui le dévalorise aux yeux de son frère, du roi son père et de la bonne société britannique. S’il en a pris son partit, en se disant qu’après tout, en tant que second fils, il ne sera pas appelé à régner, ce n’est pas le cas de sa femme. Elle se rends bien compte qu’il en souffre et que cette souffrance n’a comme conséquence que de renforcer le bégaiement et la perte de confiance en soi d’un homme qui par ailleurs est juste et droit.

Après qu’elle eu fait appel a tout un tas de sommités médicales du royaume, elle finit par rencontrer Lionel Logue, un petit acteur australien qui a monté un cabinet de thérapeute du langage où par des méthodes pour le moins non-conventionnelles il apprend aux gens à vaincre les difficultés d’élocution.
Malheureusement, dans le même temps, Georges V meurt et le trône est confié à son frère Edouard sous le nom d'Édouard VIII. Mais, moins d'un an plus tard, Édouard exprime son désir de se marier avec Wallis Simpson, une Américaine deux fois divorcée. Pour des raisons politiques et religieuses, le Premier ministre britannique, Stanley Baldwin, informe Édouard qu'il ne peut pas se marier avec Mme Simpson et rester roi.

Édouard décide donc d’abdiquer en faveur de son frère.

Le pire cauchemar de Berthie se réalise…Il doit devenir roi, ses paroles seront celles d’un royaume, d’un empire même, et ce, en des temps plus que troublés puisque sa première tâche en tant que roi sera de faire le discours de déclaration de guerre à l’Allemagne nazie, il va devoir par la parole galvaniser tout un peuple sous sa bannière.

C’est épique, intimiste et poignant. Le combat et la lutte contre lui-même de ce militaire a fait l’objet d’une réalisation toute en finesse. C’est le réalisateur Tom Hooper qui s’est chargé de la transposition d’une pièce de théâtre qui n’avait pas trouvée preneur sur les conseils de sa mère. Il n'en est pas à son coup d'essai à propos de films historiques sur son pays. Outre Le Discours d'un roi, il avait déjà dirigé un téléfilm en deux parties consacré à Élisabeth Ire d'Angleterre, qui régna au XVIème siècle sous le nom d’Elizabeth I. Il réalisa également « Daniel Deronda », une minisérie de 3 épisodes située dans le Londres de 1874. Le scénariste David Seidler souffrait de bégaiements durant son enfance. D’ailleurs, le Syndicat des réalisateurs a décerné son prix au metteur en scène Tom Hooper, pour son film.

Avec Le Discours d'un roi, ce n'est pas la première fois de sa carrière que Colin Firth se glisse dans la peau d'un personnage bègue. En effet, il s'était illustré il y a plus de vingt ans dans le film « Un mois à la campagne ». Il y jouait Tom Birkin, un jeune vétéran de la seconde guerre mondiale traumatisé, souffrant de problèmes d'élocution. L’acteur, producteur exécutif britannique n’en est pas à son premier grand rôle cinématographique mais, même si nous sommes habitués à le voir évoluer en costumes d’époque, c’est généralement dans les comédies romantiques que l’on a le plaisir de le retrouver. Hé bien, c’est un grand acteur. Il fait de ce roi complexe de grandeurs et de faiblesses incarnées un personnage qui devrait lui valoir l’une des douze statuettes des oscars (27 février).

Elizabeth Bowes-Lyon est incarnée par Helena Bonham Carter, vous savez, c’était déjà la reine rouge d’Alice au pays des merveilles dans le remake de Tim Burton, son compagnon. C’est la reine des films en costume. Son physique « Elizabethain » s’y prête à merveille, c’est le cas de le dire. Elle y est magnifique de justesse et de crédibilité.

Le thérapeute Lionel Logue est joué par le shakespearien Geoffrey Rush. Il avait déjà été récompensé par l’Oscar du meilleur acteur pour son interprétation d’un pianiste de génie dans Shine et va être opposé à Colin Firth pour l’obtention d’une nouvelle statuette. C’est lui le spécialiste des récompenses puisque son interprétation de l’acteur Peter Sellers en 2005 lui avait valu le Golden Globe et l’Emmy Award.

Les autres rôle sont eux aussi de la même qualité et concourent à nous faire ressentir cette situation et les sentiments extrêmement complexes qui déchirent cet homme effrayé par le pouvoir et la puissance que confère le titre et la faiblesse que provoque ce handicap. C’est tellement bien fait et bien joué que l’on sort de cette séance bouleversé, bouleversé par la violence de ce combat intérieur, l’amour de cette femme consciente de la force de son mari et l’amitié née entre ces hommes si dissemblables. L’aspect historique de l’affaire et l’importance de ce discours dans l’histoire de la deuxième guerre mondiale ne fait que renforcer l’aspect dramatique mais l’essentiel réside dans cette maladie que l’on découvre. De tous ceux qui auront vu ce film, je suis certain que pas un, demain, ne raillerai un bègue.


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