vendredi, avril 06, 2007

Chinoiseries

Un petit jeu de Pâques pour réaliser des oeufs peints virtuels : EASTER EGG

Je crois qu’il ne s’est pas passé une année sans que les festivités Pascales ne me rappellent ma grand-mère paternelle Claire. Je ne la voyait pas souvent, comme beaucoup de petits-enfants je pense pendant les vacances scolaires. Mais elle avait l’art de susciter notre imaginaire et les fêtes de Pâques étaient en cela de grands moments. Elles n’étaient pas, car vivant chichement, symboles du Poisson mais des œufs. Il y avait biensur au menu le traditionnel « pâté de Pâques » et les petites omelettes que j’ai déjà évoquées. Ce n’étaient pas non plus la quête des chocolats ; Nous parcourions le jardin à la recherche des « œufs peints », car nous passions la semaine à confectionner ces petites merveilles de fragilité et de délicatesse.
La première étape pour confectionner nos œufs peints consistait pour nous en une visite de courtoisie à notre tante Renée qui vivait à l’autre bout du bourg et dont les poules vaquaient librement parmi les ballots de paille de la ferme à la création de l’ingrédient principal. Nous prenions le gouter sous le grand hibiscus de la cour en triant les œufs que nous avions glaner. En effet, il nous fallait les plus belles et les plus régulières coquilles qui soient et malheureusement la gente gallinacée pondait à l’époque n’importe où des œufs non calibrés. Certaines coquilles lors de l’expulsion, encore molles, prenaient en surface la marque du lieu où elles tombaient.
La seconde étape se déroulait dans la cuisine lors de notre retour. Elle consistait à laver délicatement chaque œuf à l’aide de la brosse et du gros savon de Marseille qui servait habituellement à nettoyer nos ongles.
La troisième étape était encore plus délicate puisqu’elle consistait à évider chaque œuf afin d’en extraire le contenu et de pouvoir n’en conserver qu’une coquille propre au dehors comme en dedans. Il nous fallait pour cela percer deux petits trous à l’aide d’une aiguilles. L’un n’ayant que le calibre de la pointe métallique servirait au passage de l’air dans la coquille, nous le percions généralement sur le petit bout de l’œuf. C’était le plus facile à faire, car le second devait être un peu plus large, suffisamment pour laisser passer les deux chalazes (petits tortillons qui maintiennent au centre le jaune). Nous devions percer la coquille sans effectuer une trop grande pression sur celle-ci, d’autant qu’une fois le premier trou fait, celle-ci se trouvait fragilisée. Lorsque nous avions percé les deux trous, il nous fallait en extraire le contenu. Pour ce faire, nous nous servions de l’aiguille pour fourailler l’intérieur dans le but de percer la membrane vitelline qui protège le jaune. Puis, nous soufflions par le petit trou au dessus d’un petit bol afin de recueillir de quoi faire une omelette, ou, si nous avions un peu faim, nous aspirions par le gros trou pour gober l’œuf.
L’étape suivante consistait à nettoyer l’intérieur de l’œuf. Elle se terminait généralement en bataille d’eau entre mon frère et moi même si nous prenions bien garde à ne pas abimer la fragile structure de la coquille sur laquelle nous avions déjà bien travailler. Pour nettoyer l’intérieur d’un œuf, nous remplissions un bol d’eau savonneuse dans laquelle nous dissolvions un peu de gros sel, nous posions l’œuf au dessus, gros trou vers le bas et nous la faisions pénétrer dans la coquille par aspiration de l’air à l’autre bout. Puis nous secouions la coquille en bouchant plus ou moins les deux trous avant d’en extraire le contenu en soufflant par le petit trou. Nous avions alors de magnifiques pistolets à eau et la cuisine se transformait souvent en patinoire.
Enfin, venais l’étape la plus intéressante puisqu’elle consistait à décorer la surface entière et à masquer les trous. A l’aide de gouaches ou d’aquarelle, nous apposions de petites quantités de pigment sur la coquille en la tenant à l’aide de l’une de ces aiguilles courbes de tapissier que ma grand-mère avait. Il fallait se montrer fort délicat car le support tournait parfois indépendamment de notre volonté. Une fois la peinture sèche, nous vernissions l’ensemble et lorsque le vernis était lui même sec, nous ôtions la coquille de son support afin de finaliser notre œuvre en bouchant le dernier trou à l’aide du pigment mais surtout avec le verni.

Dernièrement, j’ai vu dans un magasin de souvenirs ce qui se vantait d’être un œuf peint. C’était en fait une production industrielle, certes fort délicate et jolie mais qui ne pourra jamais selon moi remplacer ces fragiles coquilles dans lesquelles nous mettions tout notre art, notre patience et notre amour. Le temps et les accidents de la vie ont eu raison de ces créations futiles, mais leur riche souvenir demeure en moi et je l’espère il vous poussera à tenter vous même cette expérience et à l’enseigner.


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