Chauffez les guitares
Je viens de finir la biographie de l’Abbé Fritkau, ou tout au moins sa « ma 33ème année » où il raconte au lendemain de la guerre 39-45, la déportation du peuple allemand de Prusse dans les camps de travail de la Russie. Je craignais un peu le parallèle avec la 33ème année du calvaire du christ, mais cet abbé, sans cacher ses convictions religieuses n’en fait pas un roman de propagande pour la religion chrétienne mais plutôt un récit sans complaisances ni fioritures des événements qu’il a vécu. La froide horreur de la déportation, où le corps et la chair des hommes comme des femmes ne vaut pas plus que l’énergie qu’ils représentent.
J’étais plutôt bouleversé par les abimes de l’indifférence où peuvent sombrer les peuples lorsque les personnes croisées lors de ma promenade quotidienne n’ont de nouveau fait espérer.
Tout d’abord, j’ai croisé Marc, un jeune homme avec un léger handicap mental qui s’était accroché par hasard à notre association et qui s’en va quitter la région pour suivre ses parents vers le Sud où se trouvent ses racines. Du coup, comme il aime la lecture, je lui ai offert l’ouvrage.
Un peu plus en avant dans le parc, j’ai aperçue Mme Danquin en pleine conversation avec un SDF attentif. Je me suis approché, un peu méfiant puisqu’il s’agit là d’une personne en situation de faiblesse morale depuis la disparition de son mari. Elle lui racontait combien certain peuvent abuser en venant il y a quelques jours lui voler dans le bus son porte-monnaie et la petite pendule qui lui sert de montre. Le sans domicile fixe compatissait et après l’avoir salué je lui demandais si elle avait trouvé la pendulette que Loïc m’a dit lui avoir déposé dans sa boite à lettre. Lorsqu’avec le sourire, elle a sortie de son ample cabas le petit réveil de voyage, je me suis senti déjà un peu plus léger.
Enfin, je suis tombé, après lui avoir rappelé notre rendez-vous dimanche prochain pour le repas, sur un groupe de noirs (ou des gens de couleur pour les âmes sensibles ou les faux jetons) qui par leur musique souhaitaient exprimer à la face du monde ou au moins aux passants, la joie et la plénitude qu’ils ressentent à vivre leur foie. Ils la partageaient à gorges déployées, sans aucune contre partie comme ils partageaient leur goûter et malgré les nuages, ma journée en fut radieuse.