Jardinet 1
Désolé, Lancelot, mais l'harmonie des lieux, le feng shui et tous ces baratins n'ont pas eu la place de s'y accorder. Comme tu peux le voir notre jardinet est tout petit, c'est un petit espace aménagé sur une contrainte de passage qui traverse notre cour. Je suis assez fier de ces quelques mètres carrés volés au bitume. Chacune des parcelles de terre qui le compose, je l'ai rapportée à la force du poignet dans des sacs cabas. Peut-être devrais-je vous raconter son histoire :
Lorsque nous avons emménagé en 1988, cette cour n'était qu'un champs de pierrailles que les propriétaires précédents n'avait pas exploité en raison de la contrainte de passage qui nous empêche d'en clore l'accès sur deux côtés. Matthieu avait quatre ans et nous souhaitions avoir une cour ou un jardin en ville pour qu'il puisse s'y ébattre. Comme nous n'avions pas de véhicule(ni de permis) et que peu de moyens, cette maison situé à deux pas du marché central de la ville, très claire nous sembla idéale. Malheureusement, la cour se révéla n'être qu'un champ de pierres, ferrailles, résidus de guerre ou tout autre acte de démolition.
L’ancienne propriétaire s’était ménagé une protection contre l’envahissement des véhicules derrière une série de trois tonneaux remplis une mauvaise terre où poussait de chétives graminées. Avec, le long du mur, un gigantesque rosier grimpant qui trône toujours, c’était les seules concessions faites à la nature.
L’année de notre arrivée, j’ai remplacé les trois tonneaux par de magnifiques jardinières blanches, lestées d’un bon terreau où ma Miss disposa harmonieusement une composition à base de géraniums blancs du plus bel effet sur ce fond de désolation et j’entrepris une taille sévère du piquant rosier. Malheureusement, c’est aussi à ce nomment que je compris la réelle signification d’une contrainte de passage. Quelques jours plus tard, nous n’avions plus un seul géranium, emportés par un passant sans doute. La Miss en fut plus blessée que choquée. Les géraniums blancs ne courent pas les rues et ses magnifiques compositions perdraient tout leur sens sans cette blancheur, sans compter le coût supplémentaire pour le budget déjà fort sollicité d’un jeune couple avec un enfant en bas âge. Qu’à cela ne tienne, nous réinstallons de nouveaux géraniums pour lesquels, je prends la précaution de créer un harnachement à base de fil de fer retenant la motte au fond de la jardinière. Le lendemain, les trois jardinières fracassées faisaient montre de la fureur de l’infortuné chapardeur et devant tant de dégâts nous prîmes la décision, plutôt que de revenir aux tonneaux métalliques, de faire une protection en creux, de construire en ce lieu un jardinet de toutes pièces.
C’est un gros boulot qui se fait par étapes.