La chasse
L’ouverture officielle de la chasse aux vieilleries était prévue dès 4 heures le 30 avril au matin pour se clore le même jour à 19 heures. Mais dès la mi-nuit, commençaient à s’installer les premiers postes de guet des professionnels. On les voyait à la lumière des réverbères et dans le froid nocturne s’installer et prendre leurs aises, engoncés dans de vieux fauteuils de cuir avachis, abrités du vent par quelques grosses armoires normandes, recouvert d’un plaid ou du couverture crasseuse à deux pas d’un thermos de café ou autre excitant.
Ils se préparaient à accueillir les premiers chasseurs que l’on nomme dans la région des « rédeux ».
Un bon rédeu se reconnaît facilement à son équipement de traque. Il est très rare de voir par un samedi soir traîner dans les rues un noctambule ainsi attifé. Il est généralement chaudement vêtu, chaussé pour la marche et doté d’un ample sac à dos ou d’un caddie à roulettes. Il se promène l’œil aux aguets, prêt à débusquer à coup de lampe torche l’objet insolite qui viendra compléter une collection qui l’est tout autant ou orner son antre qui l’est encore plus. Lorsqu’il le trouve, commence une âpre lutte, un puissant bras de fer où à force d’arguments, il tentera de minimiser les qualités, d’accentuer les défauts pour enfin faire baisser la valeur de l’objet de sa convoitise. L’affaire conclue, il le glissera dans sa besace pour repartir en quête d’une autre proie à plumer.
Que l’objet se retrouve un peu plus tard sur son propre étal importe peu. Seul compte le plaisir de la traque et surtout son aboutissement, lorsque fier d’avoir débusqué l’objet idoine, l’un des protagonistes en ressort avec la sensation d’avoir floué l’autre ( en fait, les deux ont cette impression, d’ou le caractère festif, puisque tout le monde en ressort content.).
Il va s’échanger en quelques heures tout le patrimoine d’une région dans une atmosphère digne d’un souk marocain.
Comme il se doit, près d’un quart ou d’un demi (pour certain le litre), d’une frite et d’une saucisse, on se gaussera de ses meilleurs coups ou affaires.
Malheureusement, cette année, je fais partie des déçus, de ceux dont la pluie à réduit à peau de chagrin les plaisirs d’une quête minutieuse. Il faut dire que je suis un rédeu très difficile. Je n’y traque toujours que de vieux papiers jaunis, si possible reliés entre eux. Ors cette engeance a tendance à ce cacher d’autant plus profondément que l’élément liquide, son pire ennemi après le feu, rôde. Je n’ai donc durant cette journée pluvieuse réussi à débusquer que deux ouvrages, l’un de Franck Herbert, dont la seule valeur est d’avoir échapper à ma lecture. L’autre par contre m’est plus précieux, il s’agit du 18ème tome de la compagnie de la banquise de G.J.Arnaud en l’édition originale (Il ne me manque plus que 5 tomes) et sublime habileté, le tout pour deux malheureux euro.
Admirez le savoir faire avant que j’aille chercher ma « frites-saucisse ».