vendredi, juin 16, 2006

rugby

Si hier, il m’a fallu déballer ma valise, aujourd’hui après avoir entendu Simone et Advisura, j’ai pris le parti d’évoquer leur courage et ma propre lâcheté.
Je ne sais s’il s’agit d’intuition féminine, la marque d’une confiance en soi ou en son destin, mais durant toute sa grossesse, avant même la première échographie, Claudine a toujours su qu’elle aurait un garçon beau grand et brun. Alors qu’avec le temps grossissait sa confiance et son ventre, enflait en moi le doute et l’angoisse. En dehors des considérations philosophiques sur la pertinence de mettre au monde une bouche supplémentaire qui viendrait grever les ressources limitées de la planète, je m’interrogeais sur notre capacité à produire un nouvel être. Si cette considération ne m’était pas venue lors de la conception, elle commençait à hanter mes nuits et pourrir mes jours.
Sans encore imaginer le pire, je me voyais mis au rebut, ma tâche d’ensemencement terminée, seul face à un nouveau couple. Prisonnier d’une charge et d’un rôle pour lequel je n’avais pas été formé, soumis à des obligations auxquels je n’avais pas pensé.
Aussi, lorsque le corps médical eut décelé des traces d’une maladie infantile fortement déconseillée aux femmes en cet état, je fut tout prêt à céder à la tentation de l’avortement. Je loue encore la force de caractère de ma compagne sans qui j’eus opté pour une facilité contraire à mes convictions profondes. Mais quel maelström m’habitait, des sarabandes d’hydrocéphales dansaient dans mes nuits, dans cette chambre amoureusement rénovée où nos chats tueurs avaient choisi de s’installer. Plus le terme approchait, plus je dépérissais. J’avais beau voir et sentir les coups de pieds et la vie. Mon imagination ne pensait qu’au ravages qu’ongles et griffes pouvaient opérer. Il me semblait justice que ma minette me ponde une portée de chatons. J’avais du mal à réaliser que l’on puisse un jour faire rentrer dans cette brassière unisexe, blanche à pois le parasite énorme qui menaçait de faire exploser cette barrique prête à débonder qu’était devenue ma frêle femme. Comble de l’horreur, le praticien chargé de faire passer le chat par celui de l’aiguille, mettait en doute la date de la conception, seul élément stable de cette histoire. En effet, seule la commémoration du 11 novembre avait permit au militaire d’alors de rentrer chez sa femme. Nouveaux doutes, si quelqu’un s’y était introduit subrepticement, quelle engeance avait t’il pu y déposer, et j’avais du mal à penser qu’elle put l’ignorer. Et de la voir se débattre pour en accélérer l’arrivé, alternant lavage, repassage, carreaux et même aviron sur les hortillonnages avec une énergie farouche en renforçait l’impression. Un matin de bonne heure, alors que je me débattais dans une nouvelle variété de cauchemars ( elle expulsait depuis la ligne des 22 un ovoïde de chairs qu’il me fallait saisir au vol et déposer à l’abri derrière l’embut avant qu’une mêlée d’avants ne nous tombe dessus.), elle ressentit enfin les premières contractions. Comme convenu avec des amis motorisés, nous réveillons tout notre entourage, ravi de nous conduire dès six heures du mat à la maternité. Cette fausse alerte devait être la première d’une longue série d’aller-retours(6h-18h à raison d’une alerte toutes les heures.). A 18h, nos amis aussi épuisés que ma miss si elle avaient du cracher le morceau, nous laissent tomber sur place et ne demandent à être prévenus que lorsque le monstre serait là. Compatissante, une infirmière nous propose d’attendre en salle de repos où une banquette permet de soulager les reins de la miss. Elle nous annonce que si le col ne s’ouvre pas pour 19h, ils auront recours à des méthodes d’expulsion plus musclés et nous laisse enfin souffler.
C’est là que le drame survint.
Imaginez la scène. Mari attentif assis sur une valise au pied de sa femme alanguie sur le sofa, elle lui tient la main et il lui caresse les cheveux. Ils sont seuls dans une vaste pièce d’où la lumière du jour commence à s’enfuir. Puis, tout arrive en même temps. Un cri : « Maman ! Salopard !» Une douleur, la main broyé par un étaux et un jet sous pression qui s’échappe. Un chien qui s’étouffe. Là, je découvre que les salles de repos sont bien insonorisées, l’étaux refuse de lâcher ma main et je ne peux que plonger dans la valise à la recherche de quoi éponger les dégâts. Là, une lutte s’engage entre la capacité d’absorptions des tampons Démak’Up, l’ample robe vichy et celle du tissus du sofa (il a gagné). Lorsque enfin l’étaux fait relâche je me précipite dans le hall et chope la première venue, la bourrant dans la salle tout en continuant mes appels aux secours. Je n’ose plus trop m’approcher de l’étaux mais la bonne dame m’explique qu’en l’absence de matériel, il va me falloir déplacer le sofa et sa baleine pour l’amener vers le centre de la pièce. Planquant mes mains sous le sofa, je m’exécute mais ma tête se retrouve dans le giron de la miss. Avant qu’elle ne puisse resserrer l’étaux, j’emmène le palanquin sous l’éclairage artificiel. On me confie alors une tâche à ma mesure : Jouer l’étrier, « ce n’est pas compliqué, il suffit de se coller la chaussure correspondant au bon côté dans le creux de l’épaule et de pousser comme pour une mêlé. ». Que n’avait-elle pas dit là ? Je m’imagine tout à coup que ce petit bout de truc ovale que l’on aperçoit n’est que l’avant garde du ballon et de l’équipe entière. Je lutte alors avec la sandalette, le regard droit devant.

La suite plus tard...


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