Bien avant le Xème siècle existait, au flanc de la falaise qui borde le spectaculaire canyon de l'Alzou, un sanctuaire primitif dédié à la Vierge. L'essor de ce culte puis la découverte, en 1166, d'un corps désigné comme celui de Saint Amadour en fit un lieu de pèlerinage pour toute la Chrétienté au même titre que Saint Jacques de Compostelle. Malheureusement, les Guerres de Religion ruinèrent le sanctuaire et il fallut attendre le XVIIème siècle pour que soit mis en place un nouveau mobilier liturgique. La renaissance du pèlerinage ne se fera qu'au XIXème siècle avec la parution d'un ouvrage sur l'histoire de Rocamadour (Abbé Caillau - 1842).
Aujourd'hui encore, Rocamadour est un site prestigieux, qui offre aux visiteurs, qu'ils soient touristes ou pèlerins, richesses historiques et expériences spirituelles. Autour des sanctuaires, la cité de Rocamadour s'étire à flanc de falaise sur plusieurs paliers. Chaque quartier était fermé par l'une des onze portes fortifiées(il en reste 8) destinées à filtrer le flux des pèlerins autant qu'à défendre la ville. La cité conserve encore des vestiges significatifs de ses maisons médiévales. A mi-rocher, abrités par le surplomb de la falaise, les sanctuaires recelaient leurs trésors dont la relique de Saint-Amadour. C'est après avoir gravi à genoux les 216 marches du grand escalier que les pèlerins parvenaient au cœur de la cité religieuse, un espace fermé où se pressent 7 églises et chapelles. Datés de la fin du XIIème siècle, l'âge d'or du pèlerinage, l'architecture encore romane de cet ensemble imposant a été fortement retouchée au XIXème siècle. On retiendra notamment la chapelle Notre-Dame, qui renferme la statue de la Vierge Noire (12ème siècle). Devant le portail flamboyant de la chapelle Notre-Dame, le parvis où se rassemblaient les pèlerins, était autrefois couvert de peintures dont il subsiste des vestiges : l'annonciation et la visitation (fin du 12ème siècle).
Mais ce n’est pas pour autant l’aspect religieux ou architectural de cette ville sanctuaire qui me pousse à vous en parler. Le terme « Rocamadour » est aussi une appellation protégée qui me fait baver rien que d’en parler.
Le Rocamadour est Appellation d'Origine Contrôlée depuis 1996 puis Appellation d'Origine Protégée depuis 1999. Les conditions de productions du lait et du fromage sont définies par le décret relatif à l’AOC Rocamadour et par le règlement technique d’application.
C’est un petit palet de 35 g « pur chèvre » fabriqué exclusivement au lait cru et entier, affiné en cave au minimum 6 jours. A ce moment, sa pâte onctueuse et crémeuse libère des saveurs fortes mais subtiles de crème, de beurre et de noisette. Si vous savez lui résister, vous pourrez le déguster sec : ses arômes n’en seront que plus puissants !
L’appellation d’origine contrôlée « Rocamadour » est réservée uniquement aux fromages fabriqués au lait de chèvre cru et entier qui répondent aux dispositions de la législation en vigueur et aux conditions d’un décret signé « Rafarin ».
Il s’agit d’un fromage à pâte molle à coagulation lente, se présentant sous forme d’un cylindre de forme aplatie, de 35 grammes environ. Il contient au minimum 45 grammes de matière grasse pour 100 grammes de fromage après complète dessiccation, et son poids total de matière sèche ne doit pas être inférieur à 14 grammes par fromage. Sa peau est solidaire, striée, légèrement veloutée, de couleur blanche pouvant virer sur le crème ou le beige foncé. La production de lait, la fabrication et l’affinage des fromages doivent être effectués dans l’aire géographique qui s’étend sur le territoire des communes suivantes :
Pour le département de l’Aveyron, le canton de Capdenac-Gare : les communes de Balaguier-d’Olt, Causse-et-Diège, Foissac, le canton de Villeneuve : les communes d’Ambeyrac, La Capelle-Balaguier, Montsalès, Ols-et-Rinhodes, Saujac, Sainte-Croix, Salvagnac-Cajarc, Villeneuve, le canton de Villefranche-de-Rouergue : la commune de Martiel.
Pour le département de la Corrèze, le canton de Larche : les communes de Chartrier-Ferrière, Chasteaux, le canton de Brive-la-Gaillarde Sud-Ouest : les communes d’Estivals, Nespouls, le canton de Meyssac : la commune de Turenne.
Pour la Dordogne, le canton de Carlux : les communes de Cazoulès, Peyrillac-et-Millac, Orliaguet, le canton de Montignac : la commune de Saint-Amand-de-Coly, le canton de Salignac-Eyvigues : les communes d’Archignac, Borrèze, Jayac, Nadaillac, Paulin, Salignac-Eyvigues, le canton de Terrasson-la-Villedieu : les communes de La Cassagne, Chavagnac, La Dornac.
Pour le département du Lot, le canton de Bretenoux : les communes de Gintrac, Prudhomat, Saint-Michel-Loubéjou, tout les cantons de Cahors Nord-Ouest, Cahors Nord-Est, Cahors Sud, Cajarc, Catus, Gramat, Labastide-Murat, Lauzès, Limogne-en-Quercy, Livernon, Luzech, Martel, Saint-Germain-du-Bel-Air, Saint-Géry, Souillac, pour le canton de Castelnau-Montratier : les communes de Cézac, Lhospitalet, Pern, le canton de Cazals : les communes des Arques, Gindou, le canton de Figeac Ouest : les communes de Béduer, Faycelles, le canton de Gourdon : les communes d’Anglars-Nozac, Gourdon, Rouffilhac, Saint-Cirq-Souillaguet, Saint-Clair, Saint-Projet, Le Vigan, le canton de Lacapelle-Marival : les communes d’Albiac, Anglars (pour la seule partie de la commune située à l’ouest de la ligne formée par la route départementale 940 et par le ruisseau de Lascurades), Aynac, Le Bourg (pour la seule partie de la commune située à l’ouest de la ligne formée par la route nationale 140 et la route départementale 940), Issendolus, Lacapelle-Marival (pour la seule partie de la commune située à l’ouest de la ligne formée par la route départementale 940 et par la route départementale 218), Rudelle, Rueyres, Thémines, Théminettes, pour le canton de Lalbenque : les communes d’Aujols, Bach, Belmont-Sainte-Foi, Cieurac, Cremps, Escamps, Flaujac-Poujols, Laburgade, Lalbenque, Vaylats, le canton de Montcuq : les communes de Bagat-en-Quercy, Belmontet, Le Boulvé, Fargues, Lascasbanes, Saint-Matré, Saint-Pantaléon, Saux, le canton de Payrac : les communes de Calès, Fajoles, Lamothe-Fénelon, Loupiac, Nadaillac-de-Rouge, Payrac, Reilhaguet, Le Roc, le canton de Puy-l’Evêque : les communes de Floressas, Grézels, Lacapelle-Cabanac, Mauroux, Sérignac, Touzac, le canton de Saint-Céré : les communes d’Autoire, Loubressac, Mayrinhac-Lentour, Saignes, Saint-Jean-Lagineste, Saint-Jean-Lespinasse, Saint-Médard-de-Presque, le canton de Salviac : les communes de Dégagnac, Lavercantière, Rampoux, Salviac, Thédirac, le canton de Vayrac : les communes de Carennac, Condat, Les Quatre-Routes, Strenquels.
Pour le département de Tarn-et-Garonne : les seules communes de Caylus, Lacapelle-Livron, Loze, Saint-Projet dans le canton de Caylus.
Le lait utilisé doit provenir uniquement de troupeaux de chèvres de race alpine ou de race saanen, ou de chèvres issues du croisement de ces deux races. Il doit répondre aux dispositions légales et en particulier provenir d’un cheptel officiellement indemne de brucellose.
Le désaisonnement est autorisé mais le nombre de chèvres sur lesquelles le désaisonnement est pratiqué ne peut dépasser 60 % de l’effectif du troupeau de chèvres en production. Seules les méthodes par traitement hormonal, quel qu’il soit, sont concernées par cette limitation. Les autres méthodes utilisées pour décaler les mises bas ne sont pas concernées. On entend par chèvre la totalité des chèvres du troupeau caprin ayant mis bas au moins une fois.
Dans chaque exploitation, le chargement ne peut excéder 10 chèvres, par hectare, situé dans l’aire géographique précédemment définie, de surfaces fourragères, parcours ou de céréales destinés à l’alimentation des chèvres. L’épandage des fumures organiques d’origine agricole et non agricole est autorisé selon les normes et règles prévues dans le règlement technique d’application prévu à l’article 1er du décret. La ration alimentaire totale journalière doit comporter au minimum 80 % d’aliments produits sur l’aire géographique. La proportion d’aliments concentrés compris dans la ration journalière donnée aux chèvres doit être inférieure à 30 % de la matière sèche totale. Les fourrages fermentés sont interdits dans l’alimentation des chèvres à compter du 1er janvier 2010. Cette interdiction s’applique sans délai aux exploitations déposant une déclaration d’aptitude.
La liste des aliments et compléments autorisés et interdits dans l’alimentation des chèvres est précisée dans le règlement technique d’application. Dans des circonstances exceptionnelles, dues notamment aux aléas climatiques, des dérogations temporaires peuvent être accordées par l’Institut national des appellations d’origine après avis de la commission « agrément des conditions de production », afin d’assurer le maintien de l’alimentation du troupeau.
La collecte du lait destiné à la fabrication de « rocamadour » doit se faire au maximum toutes les 48 heures. Dans ce cas, elle doit comporter au plus les quatre dernières traites. Le rapport TB/TP (taux butyreux sur taux protéique) du lait mis en oeuvre pour la fabrication est supérieur à 1.
L’emprésurage s’effectue avec de la présure animale à la dose équivalente à 10 centimètres cubes maximum d’extrait de présure à 520 mg de chymosine par litre pour 100 litres de lait, à une température comprise entre 18o C et 23o C.
Pour les fabricants collectant du lait refroidi, l’ensemencement s’effectue sur les quatre dernières traites au maximum. Le lait est ensemencé dès sa réception et l’emprésurage s’effectue dans un délai maximal de 8 heures après cet ensemencement.
Pour les ateliers fermiers, il se fait au maximum sur les deux dernières traites dans un délai maximal de 6 heures après la dernière traite. Pour les producteurs fermiers qui pratiquent le report de traite, le lait de la traite reportée doit être ensemencé et ne doit pas être refroidi à température <>
Le caillage doit durer au moins vingt heures à une température de 18 oC minimum. Un préégouttage d’au moins douze heures est obligatoire. La congélation du caillé est autorisée sous réserve de l’obtention d’une dérogation sanitaire auprès des services vétérinaires départementaux. Mais la réincorporation du caillé congelé ne peut intervenir qu’à hauteur maximum de 50 % du poids du caillé mis en oeuvre.
Le salage se fait obligatoirement dans la masse par malaxage du caillé, le pourcentage de chlorure de sodium devant être compris entre 0,6 et 0,8 % du poids de caillé mis en oeuvre.
Les dimensions intérieures des moules sont les suivantes : 60 millimètres de diamètre, 16 millimètres de hauteur. L’extrait sec au moulage doit être au minimum de 31 %.
Les fromages sont affinés en deux phases : une phase de ressuyage de 24 heures minimum à une température inférieure ou égale à 23 oC et une hygrométrie supérieure à 80 % ; puis en hâloir ou en cave à une température de 10 oC minimum avec une hygrométrie supérieure à 85 %. La durée totale d’affinage doit être au minimum de six jours à compter du jour de démoulage.
Cela peut sembler bien technique mais c’est loin d’être le cas d’un petit rocamadour « fermier » venant par exemple des Fromagerie Verdier à Loubressac dans le Lot. Quand vous l’accompagnez d’un quignon de pain frais et d’un demi verre de St Emillion, vous comprenez tout le sens de l’expression « Le petit Jésus en culotte de velour ».