22. Le PIB constitue l’instrument de mesure de l’activité économique le plus largement utilisé. Son calcul est régi par des normes internationales et un important travail de réflexion s’est attaché à en définir les bases statistiques et conceptuelles. Nous avons souligné dans les paragraphes précédents certains domaines importants pour lesquels il était nécessaire d’en perfectionner les méthodes de calcul. Les statisticiens et les économistes savent fort bien que le PIB mesure essentiellement la production marchande (exprimée en unités monétaires) et que, comme tel, il a son utilité. Toutefois, il a souvent été utilisé comme s’il s’agissait d’une mesure du bien-être économique. La confusion entre ces deux notions risque d’aboutir à des indications trompeuses quant au niveau de satisfaction de la population et entraîner des décisions politiques inadaptées. Les niveaux de vie matériels sont plus étroitement associés à la mesures du revenu national réel et à celles du revenu réel et de la consommation réelle des ménages : la production peut croître alors que les revenus décroissent, ou vice versa, lorsque compte est tenu de la dépréciation, des flux de revenus à destination et en provenance de l’étranger et des différences entre les prix des biens produits et ceux des biens consommés.
Recommandation n°2 : Mettre l’accent sur la perspective des ménages.
23. S’il est intéressant de suivre les évolutions de la performance des économies dans leur ensemble, le calcul du revenu et de la consommation des ménages permet quant à lui de mieux suivre l’évolution du niveau de vie des citoyens. Les données disponibles de la comptabilité nationale montrent en effet que dans plusieurs pays de l’OCDE, la croissance du revenu réel des ménages a été très différente de celle du PIB réel par habitant, et généralement plus lente. La perspective des ménages suppose de prendre en compte les transferts entre secteurs tels que les impôts perçus par l’État, les prestations sociales qu’il verse, les intérêts sur les emprunts des ménages versés aux établissements financiers. Pour être exhaustifs, les revenus et la consommation des ménages doivent également inclure les services en nature fournis par l’État tels que les services subventionnés, notamment de santé et d’éducation. Un effort majeur devra aussi être réalisé pour réconcilier les sources statistiques aux fins de comprendre pourquoi certaines données, comme le revenu des ménages, évoluent différemment selon les sources statistiques utilisées.
Recommandation n°3 : Prendre en compte le patrimoine en même temps que les revenus et la consommation.
24. Si les revenus et la consommation sont essentiels pour l’évaluation des niveaux de vie, ils ne peuvent, en dernière analyse, servir d’outil d’appréciation que conjointement à des informations sur le patrimoine. Un ménage qui dépense sa richesse en biens de consommation accroît son bien-être actuel mais aux dépens de son bien-être futur. Les conséquences de ce comportement sont retracées dans le bilan de ce ménage ; il en va de même pour les autres acteurs économiques et pour l’économie dans son ensemble. Pour établir des bilans, il faut pouvoir disposer d’états chiffrés complets de l’actif et du passif. L’idée de bilans pour des pays n’est pas nouvelle en soi mais ces bilans ne sont disponibles que pour un petit nombre de pays et il convient d’en favoriser la généralisation. Les mesures de la richesse sont essentielles pour appréhender la soutenabilité. Ce qui est transféré vers l’avenir doit nécessairement s’exprimer en termes de stocks, qu’il s’agisse de capital physique, naturel, humain ou social. L’évaluation appropriée de ces stocks joue un rôle crucial, même si elle est souvent problématique. Il est également souhaitable de soumettre les bilans à des « tests de résistance » (stress tests) selon différentes hypothèses de valorisation là où il n’existe pas de prix du marché ou lorsque ces prix sont soumis à des fluctuations erratiques ou à des bulles spéculatives. Certains indicateurs non monétaires, plus directs, pourront être préférables lorsque l’évaluation monétaire est très incertaine ou difficile à déduire.
Recommandation n°4 : Accorder davantage d’importance à la répartition des revenus, de la consommation et des richesses.
25. Le revenu moyen, la consommation moyenne et la richesse moyenne sont des données statistiques importantes mais insuffisantes pour appréhender de façon exhaustive les niveaux de vie. Ainsi, une augmentation du revenu moyen peut être inégalement répartie entre les catégories de personnes, certains ménages en bénéficiant moins que d’autres. Le calcul de la moyenne des revenus, de la consommation et des richesses doit donc être assorti d’indicateurs qui reflètent leur répartition. La notion de consommation médiane (de revenu médian, de richesse médiane) offre un meilleur outil de mesure de la situation de l’individu ou du ménage « représentatif » que celle de consommation moyenne, de revenu moyen ou de richesse moyenne. Il importe aussi, pour de nombreuses raisons, de savoir ce qui se passe au bas de l’échelle de la répartition des revenus et de la richesse (tel que le montrent les statistiques de la pauvreté), ou encore au sommet de celle-ci. Dans l’idéal, ces informations ne devront pas être isolées mais liées entre elles, par exemple pour savoir comment sont lotis les ménages au regard des différentes dimensions du niveau de vie matériel : revenu, consommation et richesses. Un ménage à faible revenu possédant des richesses supérieures à la moyenne n’est, au fond, pas nécessairement plus mal loti qu’un ménage à revenu moyen ne possédant aucune richesse. (Nous reviendrons sur la nécessité de disposer d’informations sur la « répartition combinée » de ces dimensions du bien-être matériel des personnes dans les recommandations ci-après relatives à la mesure de la qualité de la vie.)
Recommandation n°5 : Élargir les indicateurs de revenus aux activités non marchandes.
26. Le mode de fonctionnement des ménages et de la société a profondément changé. Ainsi, nombre des services qui étaient autrefois assurés par d’autres membres de la famille sont aujourd’hui achetés sur le marché. Cela se traduit dans la comptabilité nationale par une augmentation du revenu et peut donner à tort l’impression d’une augmentation du niveau de vie, alors qu’en fait la fourniture de services autrefois non marchands incombe maintenant au marché. Par ailleurs, de nombreux services que les ménages produisent pour eux-mêmes ne sont pas pris en compte dans les indicateurs officiels de revenu et de production, alors qu’ils constituent un aspect important de l’activité économique. Si cette exclusion des indicateurs officiels relève davantage d’interrogations sur la fiabilité des données que de difficultés conceptuelles, des progrès ont été accomplis dans ce domaine ; il convient toutefois d’y consacrer des travaux plus nombreux et plus systématiques, en commençant notamment par des informations sur l’emploi du temps des personnes qui soient comparables dans le temps (d’une année sur l’autre) et dans l’espace (d’un pays à l’autre). Les activités domestiques devraient faire l’objet périodiquement, et de la façon la plus exhaustive possible, de comptes satellites à ceux de la comptabilité nationale de base. Dans les pays en développement, la production de biens par les ménages (alimentation ou logement, par exemple) joue un rôle important: il convient de prendre en compte la production de ces biens par les familles pour évaluer les niveaux de consommation des ménages dans ces pays.
27. Dès lors que l’on s’attache aux activités non marchandes, la question des loisirs ne peut être éludée. Consommer le même panier de biens et de services mais en travaillant 1.500 heures dans l’année au lieu de 2.000 heures implique un niveau de vie plus élevé. Bien que la valorisation des loisirs soulève de multiples difficultés, il est nécessaire de tenir compte de leur importance quantitative pour pouvoir établir des comparaisons de niveaux de vie dans le temps et dans l’espace.
Le bien-être est pluridimensionnel
28. Pour cerner la notion de bien-être, il est nécessaire de recourir à une définition pluridimensionnelle. À partir des travaux de recherche existants et de l’étude de nombreuses initiatives concrètes prises dans le monde, la Commission a répertorié les principales dimensions qu’il convient de prendre en considération. En principe au moins, ces dimensions devraient être appréhendées simultanément :
i. les conditions de vie matérielles (revenu, consommation et richesse) ;
ii. la santé ;
iii. l’éducation ;
iv. les activités personnelles, dont le travail ;
v. la participation à la vie politique et la gouvernance ;
vi. les liens et rapports sociaux ;
vii. l’environnement (état présent et à venir) ;
viii. l’insécurité, tant économique que physique.
Toutes ces dimensions modèlent le bien-être de chacun ; pourtant, bon nombre d’entre elles sont ignorées par les outils traditionnels de mesure des revenus.
Les dimensions objective et subjective du bien-être sont toutes deux importantes
Recommandation n°6 : La qualité de la vie dépend des conditions objectives dans lesquelles se trouvent les personnes et de leur « capabilités » (capacités dynamiques). Il conviendrait d’améliorer les mesures chiffrées de la santé, de l’éducation, des activités personnelles et des conditions environnementales. En outre, un effort particulier devra porter sur la conception et l’application d’outils solides et fiables de mesure des relations sociales, de la participation à la vie politique et de l’insécurité, ensemble d’éléments dont on peut montrer qu’il constitue un bon prédicteur de la satisfaction que les gens tirent de leur vie.
29. Les informations qui permettent d’évaluer la qualité de la vie vont au-delà des déclarations et des perceptions des personnes ; elles incluent également la mesure de leurs « fonctionnements » (la mise en oeuvre de leurs capabilités) et de leurs libertés. Ce qui importe réellement, en effet, ce sont les « capacités » dont disposent les personnes, c’est-à-dire l’ensemble des possibilités qui s’offrent à elles et leur liberté de choisir, dans cet ensemble, le type de vie auquel elles attachent de la valeur. Le choix des « fonctionnements » et des capabilités pertinentes pour mesurer la qualité de la vie est davantage un jugement de valeur qu’un exercice technique. Toutefois, même si la liste précise de ces aspects repose inévitablement sur des jugements de valeur, il existe un consensus sur le fait que la qualité de la vie dépend de la santé et de l’éducation, des conditions de vie quotidienne (dont le droit à un emploi et à un logement décents), de la participation au processus politique, de l’environnement social et naturel des personnes et des facteurs qui définissent leur sécurité personnelle et économique. La mesure de tous ces éléments nécessite des données aussi bien objectives que subjectives. Dans ces domaines, la difficulté consiste à améliorer ce qui a déjà été accompli, à identifier les lacunes que présentent les informations disponibles et à consacrer des moyens statistiques aux domaines (comme l’utilisation du temps) dans lesquels les indicateurs disponibles demeurent insuffisants.
Recommandation n°7 : Les indicateurs de la qualité de la vie devraient, dans toutes les dimensions qu’ils recouvrent, fournir une évaluation exhaustive et globale des inégalités.
30. Les inégalités de conditions de vie font partie intégrante de toute évaluation de la qualité de la vie, de sa comparabilité entre pays et de son évolution dans le temps. La plupart des dimensions de la qualité de la vie nécessitent des mesures distinctes des inégalités tout en tenant compte, comme on l’a vu au paragraphe 25, des liens et des corrélations entre ces dimensions. Les inégalités de qualité de vie devront être évaluées entre personnes, catégories socio-économiques, sexes et générations, en accordant une attention particulière aux inégalités d’origine plus récente comme celles liées à l’immigration.
Recommandation n°8 : Des enquêtes devront être conçues pour évaluer les liens entre les différents aspects de la qualité de la vie de chacun, et les informations obtenues devront être utilisées lors de la définition de politiques dans différents domaines.
31. Il est essentiel de comprendre comment les évolutions dans un domaine de la qualité de la vie affectent les autres domaines et comment les évolutions de ces différents domaines sont liées aux revenus. L’importance de ce point vient de ce que les conséquences sur la qualité de vie du cumul de désavantages dépassent largement la somme de leurs effets séparés. Le développement de mesures de ces effets cumulés impose de collecter des informations sur la « répartition combinée » des aspects essentiels de la qualité de vie auprès de toute la population d’un pays au moyen d’enquêtes spécifiques. Des progrès en ce sens pourraient également être réalisés en intégrant à l’ensemble des enquêtes existantes des questions type qui permettent de classer les personnes interrogées en fonction d’un ensemble limité de caractéristiques. Dans le cadre de la conception de politiques dans des domaines spécifiques, leurs effets sur les indicateurs relatifs aux différentes dimensions de la qualité de la vie devront être considérés conjointement afin de traiter des interactions entre ces dimensions et de mieux appréhender les besoins des personnes désavantagées dans plusieurs domaines.
Recommandation n°9 : Les instituts de statistiques devraient fournir les informations nécessaires pour agréger les différentes dimensions de la qualité de la vie, et permettre ainsi la construction de différents indices.
32. Bien que l’estimation de la qualité de la vie exige une pluralité d’indicateurs, une demande pressante s’exprime en faveur de la mise au point d’une mesure synthétique unique. Différentes mesures de ce type sont possibles, en fonction des questions traitées et de l’approche adoptée. Certaines de ces mesures sont déjà utilisées, comme par exemple celle du niveau moyen de satisfaction de la vie dans un pays, ou encore il existe des indices composites regroupant des moyennes dans différents domaines objectifs comme l’Indice de développement humain. D’autres mesures pourraient être mises en œuvre si les autorités statistiques nationales procédaient aux investissements requis pour collecter les données nécessaires à leur calcul. Il s’agit notamment de mesures de la proportion du temps au cours de laquelle le sentiment exprimé dominant est négatif, de mesures basées sur le comptage des occurrences et l’évaluation de la gravité de différents aspects objectifs de la vie des personnes, et de mesures (en équivalent revenu) basées sur les états et les préférences de chacun.
33. La Commission estime qu’outre ces indicateurs objectifs, il conviendrait de procéder à des mesures subjectives de la qualité de la vie.
Recommandation n°10 : Les mesures du bien-être, tant objectif que subjectif, fournissent des informations essentielles sur la qualité de la vie. Les instituts de statistiques devraient intégrer à leurs enquêtes des questions visant à connaître l’évaluation que chacun fait de sa vie, de ses expériences et priorités.
34. La recherche a montré qu’il était possible de collecter des données significatives et fiables sur le bien-être subjectif aussi bien que sur le bien-être objectif. Le bien-être subjectif comprend différents aspects (évaluation cognitive de la vie, bonheur, satisfaction, émotions positives comme la joie ou la fierté, émotions négatives comme la souffrance ou l’inquiétude) : chacun de ces aspects devrait faire l’objet d’une mesure distincte afin de dégager une appréciation globale de la vie des personnes. Les indicateurs quantitatifs de ces aspects subjectifs offrent la possibilité d’apporter non seulement une bonne mesure de la qualité de la vie en elle-même mais également une meilleure compréhension de ses déterminants, en allant au-delà des revenus et des conditions matérielles des personnes. En dépit de la persistance de plusieurs questions non résolues, ces mesures subjectives fournissent des informations importantes sur la qualité de la vie. C’est pourquoi les types de questions qui se sont révélées pertinentes dans le cadre d’enquêtes non officielles de faible échelle devraient être intégrés aux enquêtes à plus grande échelle menées par les services statistiques officiels.
Pour une approche pragmatique de la mesure de la soutenabilité
35. Les questions de mesure et d’évaluation de la soutenabilité ont été au coeur des préoccupations de la Commission. La soutenabilité pose la question de savoir si le niveau actuel de bien-être pourra être si ce n’est augmenté, au moins maintenu, pour les générations à venir. Par nature, la soutenabilité concerne l’avenir, et son évaluation implique bon nombre d’hypothèses et de choix normatifs. La question est d’autant plus difficile que certains aspects au moins de la soutenabilité environnementale (de changement climatique, en particulier) sont affectés par les interactions entre les modèles socio-économiques et environnementaux adoptés par les différents pays. La question est donc fort complexe, davantage que celles, déjà malaisées, de la mesure du bien-être actuel ou des performances.
Recommandation n°11 : L’évaluation de la soutenabilité nécessite un ensemble d’indicateurs bien défini. Les composantes de ce tableau de bord devront avoir pour trait distinctif de pouvoir être interprétées comme des variations de certains « stocks » sous-jacents. Un indice monétaire de soutenabilité a sa place dans un tel tableau de bord ; toutefois, en l’état actuel des connaissances, il devrait demeurer principalement axé sur les aspects économiques de la soutenabilité.
36. L’évaluation de la soutenabilité est complémentaire de la question du bien-être actuel ou de la performance économique et doit donc être examinée séparément. Cette recommandation peut paraître triviale ; pourtant, ce point mérite d’être souligné car certaines approches actuelles n’adoptent pas ce principe, ce qui aboutit à des messages générateurs de confusion. Tel est le cas, par exemple, lorsque l’on tente de combiner bien-être actuel et soutenabilité en un seul indicateur. Pour employer une analogie, lorsque l’on conduit une voiture, un compteur qui agrégerait en une seule valeur la vitesse actuelle du véhicule et le niveau d’essence restant ne serait d’aucune aide au conducteur. Ces deux informations sont essentielles et doivent être affichées dans des parties distinctes, nettement visibles, du tableau de bord.
37. Pour mesurer la soutenabilité, nous devons au moins pouvoir disposer d’indicateurs qui nous renseignent sur les changements intervenus dans les quantités des différents facteurs importants pour le bien-être futur. En d’autres termes, la soutenabilité exige la préservation ou l’augmentation simultanées de plusieurs « stocks » : les quantités et qualités non seulement des ressources naturelles mais aussi du capital humain, social et physique.
38. L’approche de la soutenabilité en termes de stocks peut être déclinée en deux versions différentes. La première considère séparément les variations de chaque stock et à évalue si celui-ci augmente ou diminue, en vue notamment de faire le nécessaire pour le maintenir au-dessus d’un certain seul considéré comme critique. La seconde version convertit tous ces actifs en un équivalent monétaire, en admettant donc implicitement qu’une substitution entre les différents types de capital est possible, de sorte que, par exemple, une baisse du capital naturel pourrait être compensée par une hausse suffisante du capital physique (moyennant une pondération appropriée). Une telle approche est potentiellement fructueuse, mais elle comporte aussi plusieurs limites, la principale étant l’absence, dans de nombreux cas, de marchés sur lesquels pourrait reposer l’évaluation des actifs. Même lorsqu’il existe des valeurs de marché, rien ne garantit qu’elles reflètent correctement l’importance des différents actifs qui importent pour le bien-être futur. L’approche monétaire nécessite de recourir à des imputations et à des modèles, ce qui soulève des difficultés en termes d’informations. Toutes ces raisons incitent à commencer par une approche plus modeste, à savoir axer l’agrégation monétaire sur des éléments pour lesquels il existe des techniques d’évaluation raisonnables, comme le capital physique, le capital humain et certaines ressources naturelles. Ce faisant, il devrait être possible d’évaluer la composante « économique » de la soutenabilité, c’est-à-dire d’évaluer si les pays consomment ou non une part excessive de leur richesse économique.
Des indicateurs physiques des pressions environnementales
Recommandation n°12 : Les aspects environnementaux de la soutenabilité méritent un suivi séparé reposant sur une batterie d’indicateurs physiques sélectionnés avec soin. Il est nécessaire, en particulier, que l’un d’eux indique clairement dans quelle mesure nous approchons de niveaux dangereux d’atteinte à l’environnement (du fait, par exemple, du changement climatique ou de l’épuisement des ressources halieutiques).
39. Pour les raisons exposées ci-dessus, il est souvent difficile d’attribuer à l’environnement naturel une valeur monétaire ; des ensembles distincts d’indicateurs physiques seront donc nécessaires pour en suivre l’évolution. Cela vaut notamment dans les cas d’atteintes irréversibles et/ou discontinues à l’environnement. De ce fait, les membres de la Commission estiment, en particulier, qu’il est nécessaire de pouvoir disposer d’un indicateur clair des accroissements de la concentration de gaz à effet de serre dans l’atmosphère proches des niveaux dangereux de changement climatique (ou encore des niveaux d’émissions susceptibles de déboucher à l’avenir sur de telles concentrations). Le changement climatique (dus aux accroissements de la concentration de gaz à effet de serre dans l’atmosphère) est également particulier en ce qu’ils constituent un problème véritablement planétaire qui ne peut être mesuré dans le cadre des frontières nationales. Des indicateurs physiques de ce type ne pourront être définis qu’avec l’aide de la communauté scientifique. Il est heureux que bon nombre de travaux aient déjà été entrepris dans ce domaine.
Et ensuite ?
40. La Commission estime que loin de clore le débat, son rapport ne fait que l’ouvrir. Il renvoie à des questions qui devront être traitées dans le cadre de travaux de recherche plus vastes. D’autres entités aux niveaux national et international devront débattre des recommandations de ce rapport, en identifier les limites et déterminer comment elles pourront contribuer au mieux aux actions ici envisagées, chacune dans son domaine propre.
41. La Commission estime qu’un débat de fond sur les questions soulevées par son rapport et sur ses recommandations offrira une occasion importante d’aborder les valeurs sociétales auxquelles nous attachons du prix et de déterminer dans quelle mesure nous agissons réellement en faveur de ce qui importe.
42. Au niveau national, il conviendra de mettre en place des tables rondes qui associeront différentes parties prenantes afin de définir quels sont les indicateurs qui permettent à tous d’avoir une même vision des modalités du progrès social et de sa soutenabilité dans le temps, ainsi que d’établir leur ordre d’importance.
43. La Commission espère que non seulement son rapport suscitera ce large débat mais encore qu’il favorisera la recherche sur la mise au point de meilleurs instruments de mesure qui nous permettront de mieux évaluer les performances économiques et le progrès social.