Une Île
Voici une quinzaine de jours que je ma quête me porte sur le plus grand marché de Noël du Nord de la France.
J’y arpente la place, m’ouvrant un chemin dans la foule en tendant ma sébile. Il est paradoxal que ce petit instrument permette de dégager plus sûrement que tout autre engin un espace vitale dans cette cohue inhumaine et par ailleurs vindicative.
J’ai l’impression par moment d’arborer la pire des pestes à voir ce courant, de moi, se fendre le plus naturellement possible. On me fuit, détourne la tête et fait tout pour m’ignorer.
L’individu ne le sait pas, c’est ma force. Un pas à gauche, deux à droite, je danse sur la place, mais lui poussé par cohue, atterri face à mon tronc quémandeur. Il tente une esquive, se fends mais sorti du courant ne peut y rentrer.
Il doit subir mon discours, il est attrapé. Soit le poisson rue, « On est trop sollicité », soit, il ruse « j’ai déjà donné », soit, soulagé par le rempart de mon havre de paix loin des coudes rageurs, dans ce moment d’intimité, il donne. Donne sans compter, qui son argent, qui son temps, qui sa pitié. Il en profite alors pour déverser dans mon tronc toutes les misères et injustices dont lui ou ses proches font l’objet. Il trouve en mon île au milieu du flot une paix qu’un instant auparavant, il fuyait.
Et je reprends ma danse au son de mon nouveau grelot.
Et je reprends ma danse au son de mon nouveau grelot.