Sauvons la statistique publique !
Communiqué de presse
Paris, le 12 février 2009
Le comité de défense de la statistique publique libère les chiffres de PIB du 4 ème trimestre !
« La ministre de l'Économie a de nouveau prévenu ce mercredi que les chiffres de la croissance française pour le quatrième trimestre 2008 seraient «très mauvais». Christine Lagarde a même estimé qu'un recul de 1,2% du produit intérieur brut (PIB) était «très probable». L'Insee doit publier vendredi les chiffres de la croissance au quatrième trimestre et pour l'ensemble de 2008. » (Source : AFP)
Le gouvernement a donc décidé de rompre l’embargo sur des données de la statistique publique en annonçant, deux jours à l’avance, les résultats des chiffres de la croissance du quatrième trimestre.
La rupture d’embargo est devenue une pratique usuelle du gouvernement Fillon. Ce faisant, il est en infraction par rapport au code de bonnes pratiques de la statistique européenne et son sixième principe : « Impartialité et objectivité : les autorités statistiques doivent produire et diffuser des statistiques européennes dans le respect de l’indépendance scientifique et de manière objective, professionnelle et transparente plaçant tous les utilisateurs sur un pied d’égalité ».
Ce commentaire, par la ministre de l’Économie, d’un chiffre qu’elle est la seule à posséder et qui ne doit être publié que vendredi prochain à 7h45, constitue un abus de position. Le Code de bonnes pratiques, préconise qu’en cas de fuites, les modalités de la diffusion doivent être adaptées de manière à garantir l’égalité de traitement.
C’est pourquoi le Comité de défense de la statistique publique, soucieux du principe d’égalité de l’ensemble des utilisateurs, a décidé d’avancer la publication consacrée au PIB du quatrième trimestre. Les ruptures d’embargo sont un signe de plus d’une volonté de remise en cause de l’indépendance de la statistique publique. Les critiques répétées du gouvernement et du chef de l’État sur la qualité des données et études de l’Insee, le limogeage du directeur général de l’Insee sans aucune explication en octobre 2007 sont des éléments de non respect du principe n° 1, à savoir l’indépendance professionnelle des statisticiens.
La statistique publique est donc chahutée, dans une période de crise où les informations qu’elle produit sont encore plus nécessaires. Et, quand elle doit déjà faire plus avec moins, elle est menacée d’un nouveau choc à encaisser : la délocalisation d’une partie de ses services. Les coûts et les moyens à engager dans ce projet affaibliraient à coup sûr la qualité de la production statistique, et paralyseraient pour plusieurs années ses possibilités d’évolution. Le principe n°3, adéquation des ressources, est donc lui aussi bafoué.
Pour que la statistique publique continue à être un instrument de la démocratie, elle a besoin d’être forte et indépendante, afin que tous les usagers de ce service public jouissent d’une information de qualité et qu’ils aient pleinement confiance dans les données. Le comité de défense de la statistique publique fait tout pour oeuvrer dans ce sens.
Et pour être juste, voici la réponse du parti adverse :
Paris, le 13 février 2009
Chers collègues,
J’ai appris avec beaucoup de regret et d’amertume la rupture d’embargo organisée et revendiquée hier par des statisticiens membres du Comité de défense de la statistique publique, la veille de la publication des chiffres de la croissance du 4ème trimestre 2008.
Il s’agit d’une faute professionnelle grave, qui ne peut que fragiliser la position, la crédibilité et la réputation de l’Insee, dans un contexte déjà difficile. J’ai donc demandé à ce qu’une enquête administrative soit menée. Les auteurs de cette rupture d’embargo ont en outre envoyé à la presse un communiqué manifestement diffamatoire, laissant supposer que le Ministre de l’économie avait rompu l’embargo lors d’une interview donnée mercredi 11 février au matin, alors même qu’au sein des services de l’Insee, les comptables nationaux n’avaient pas encore finalisé leur chiffrage.
Si, ces dernières années, les pouvoirs publics ont parfois rompu des embargos, conduisant chaque fois la direction de l’Insee à rappeler les principes de diffusion des statistiques, il importe que ces ruptures ne soient jamais le fait de statisticiens publics.
A plusieurs reprises, le Comité de direction de l’Insee a dit combien il comprenait l’émotion suscitée par l’annonce du projet d’implantation à Metz, émotion qui a le plus souvent témoigné de l’attachement aux missions et aux valeurs de la statistique publique. La direction de l’Insee ne peut en revanche que fermement condamner ce grave accroc fait à la déontologie et appeler chacun au respect du droit de la Fonction Publique.
Jean-Philippe Cotis
Directeur général de l’Insee