8 - La lapidation
Bien que n'étant pas exclusivement réservée aux femmes, c'est un châtiment essentiellement féminin.
Aux termes de la loi, les hommes doivent être enterrés dans le sol jusqu’à la taille et les femmes jusqu’au dessus de la poitrine. Les condamnés qui réussissent à s’extraire du sol et à s’échapper pendant les jets de pierres sauvent en principe leur vie. L’article 104 du Code pénal iranien dispose : « Les pierres utilisées pour infliger la mort par lapidation ne devront pas être grosses au point que le condamné meure après en avoir reçu une ou deux ; elles ne devront pas non plus être si petites qu’on ne puisse leur donner le nom de pierre. » En renouvelant ses appels urgents pour demander aux autorités iraniennes de commuer les condamnations de mort, Amnesty International se joint aux représentants des États, aux organisations et aux particuliers qui, en Iran, ont déjà exprimé l’inquiétude que leur inspire ces sentences.
Aux Emirats arabes unis, en février 2000, un tribunal islamique a condamné Kartini bint Karim, ressortissante indonésienne, à la peine de mort par lapidation, sur la foi de prétendus aveux d’adultère. Au cours de la procédure d’appel, toutefois, Kartini bint Karim aurait démenti avoir prononcé de tels aveux ; d’après son avocat , elle n’aurait pu le faire dans la mesure où elle ne maîtrise pas la langue arabe. Cette juridiction a également condamné par contumace à un an d’emprisonnement l’homme mis en cause dans l’affaire, un ressortissant indien qui a fui le pays. Son employeur, pour qui elle travaillait en tant que femme de ménage, l’avait remise à la police lorsqu’il a appris qu’elle était enceinte et c’est en prison qu’elle avait accouché d’une petite fille. Dans les Émirats arabes unis, les condamnations à mort font systématiquement l’objet d’un renvoi en appel. Suite à la mobilisation internationale, la cour d’appel de l’émirat de Fujairah a commué la condamnation à mort en une peine d’un an d’emprisonnement, assortie d’un arrêté d’expulsion.
Au Nigéria, fin 2001, Safiya Hussaini, une femme de 35 ans, divorcée et mère de cinq enfants a été condamnée à la lapidation pour adultère. Cette affaire avait provoqué de vives réactions internationales, notamment liées au caractère sexiste de cette condamnation, dans la mesure où l’homme avec lequel elle était présumée avoir eu des rapports adultérins avait été laissé en liberté. Suite à la mobilisation internationale, Safiya a été acquittée en appel. De même, en mars 2002, Amina Lawal,une femme de 30 ans, a été condamnée conformément à loi Islamique de la Sharia, à être lapidée à mort pour avoir eu un enfant hors mariage. La cour d’appel fédérale devrait prochainement statuer sur son sort mais aucune date n’a encore été fixée pour le jugement.
Au Pakistan, les femmes victimes de viol qui ne parviennent pas à prouver qu’elles n’étaient pas consentantes peuvent être elles-mêmes accusées de zina (fornication), crime puni de mort par lapidation, ou de flagellation en public.
Au Soudan, le 8 janvier 2002, 28 personnes dont une femme ont été condamnées à être exécutées, lapidées ou amputées dans deux États de l’ouest du Soudan, le Darfour septentrional et le Darfour méridional. Le Code pénal soudanais, qui se fonde sur l’interprétation de la charia, prévoit des peines telles que l’amputation de membres et la peine de mort, éventuellement suivie du crucifiement du condamné. Abok Alfa Akok a été déclarée coupable d’adultère et condamnée à mort par lapidation par une juridiction pénale de Nyala, dans le Darfour méridional. Elle aurait affirmé avoir eu ces relations sexuelles sous la contrainte. Le tribunal a estimé que l’homme accusé d’avoir eu des rapports sexuels avec elle n’avait commis aucune infraction. Abok Alfa Akok appartient à l’ethnie majoritaire du sud du Soudan, les Dinka, dont les membres sont chrétiens ou animistes, et parlent dinka ou anglais. Son avocat a interjeté appel en mettant en avant le fait que sa cliente, en tant que non-musulmane, ne devait pas se voir infliger des peines basées sur le droit musulman, et qu’elle avait eu du mal à comprendre la langue utilisée au cours du procès, à savoir l’arabe. Une suite favorable a été donnée au recours formé par son avocat. La sentence capitale sous le coup de laquelle se trouvait Abok Alfa Akok a été annulée en appel le 9 février. Le 12 février, une juridiction pénale a réexaminé le cas de cette femme et l’a condamnée à recevoir 75 coups de fouet, peine qui lui a été appliquée immédiatement.
Si cette recrudescence des châtiments corporels et de la peine de mort est particulièrement inquiétante, il faut encourager et saluer les initiatives telles que celle-ci :
Au BANGLADESH, le 5 janvier 2001, une décision historique fut rendue par la Haute Cour du Bangladesh, qui a statué que les fatwas (sentences prononcée par les autorités religieuses islamiques) étaient illégales. La Cour a également jugé que le Parlement devait adopter des dispositions afin que ces décrets, dont la plupart visent des femmes, tombent sous le coup de la loi. « Il s’agit là d’une initiative majeure et particulièrement bien venue, qui indique clairement que les pratiques discriminatoires à l’égard des femmes, notamment dans les zones rurales, sont inacceptables et qu’elles doivent cesser, a déclaré Amnesty International. Il faut rendre hommage à la chambre de la Haute Cour qui a prononcé cet arrêt et aux militantes bangladaises des droits des femmes qui ont présenté à la Cour des éléments à charge contre la pratique des fatwas. » Chaque année, c’est par dizaines que des fatwas sont prononcées en milieu rural par des membres du clergé musulman qui organisent des rassemblements quand des plaintes ont été déposées, généralement contre des femmes qui tentent de s’affirmer dans la vie de leur famille et de leur village. Ces femmes sont condamnées à des peines de flagellation et de lapidation, ainsi qu’à d’autres châtiments humiliants, par exemple, à avoir la tête rasée, à être insultées et battues. En octobre 2000, le rapporteur spécial des Nations unies chargé d’étudier la question de l’intolérance religieuse a indiqué que les 26 fatwas émises au cours de l’année précédente étaient « destinées à étouffer toute émancipation des femmes ». En 1993, une fatwa a été émise contre une jeune femme de vingt-et-un ans, Noorjahan Begum, et son second époux, car leur mariage était considéré comme non conforme à l’Islam. Noorjahan Begum s’était remariée pour mettre fin à un premier mariage traumatisant, après avoir accompli des démarches qu’elle pensait être conformes aux usages. Elle a été enterrée dans le sol jusqu’à la poitrine et tuée à coups de pierre par des villageois. Son époux a survécu à cette lapidation.