dimanche, juin 08, 2008

La Fête dans la Ville 2008


Je ne serait pas aussi grandiloquent que Jean-Pierre Marcos pour vous annoncer le nouveau rendez-vous pour les arts de la rue, la 31ème édition de la Fête dans la ville d'Amiens qui va se dérouler du 19 au 22 juin 2008. Avec plus de 30 compagnies, cette nouvelle édition propose près d'une centaine de représentations dans différents quartiers de la ville d’Amiens, mais également dans des communes de la métropole.


« La Fête dans la Ville a été créée en 1978. Elle est née de ce mouvement de Mai 68, catalyseur des énergies, plein de générosité et d'envie de liberté. Il y a dans ce mois de Mai comme une transcendance conjuguée des aspirations du Front Populaire et de la libération…Au-delà de l'imagerie historique de 1968 qui met naturellement en avant l'action des étudiants pour un monde nouveau, rejoint par les revendications ouvrières sur le progrès social, cette folle agitation humaine marque le temps des espoirs, des utopies culturelles et artistiques dans une sorte d'incantation pour une rencontre permanente entre l'art et le travail ; un espoir qui traverse les jeunesses du monde entier de Mexico à San Francisco, de Paris à Istanbul, d'Amiens à Aix...L'appel ainsi lancé pour un monde fraternel par tous ces jeunes, incluait également une lutte contre les exclusions culturelles. Une dynamique puissante et collective pour mettre l'art dans la rue, la force des grands concerts en plein air donnés par les Rollings Stone, les Jimmy Hendrix et Bob Marley au milieu des années 60, à Woodstock ou dans l'île de White vont apporter cet élan pour une culture partagée et ouverte à la rue.La Maison de la Culture d'Amiens au printemps 68 est l'objet de cette exigence ; il faut sortir l'art des théâtres. On ne peut se contenter d'avoir accès aux belles œuvres comme le voulait Malraux. Il faut vivre l'art autrement. Il faut que l'art se vive. Philippe Théry programme en juin 1966 " les bonnes " de Jean Genet. Il sera critiqué par les élus de la Ville et les partis de gauche reprochent à la Maison de la Culture de ne pas être suffisamment ouverte à l'éducation populaire et à la pédagogie. * Le Living théâtre sera de ce discours exubérant dans son intervention à Avignon au cours de l'été 1968 et lorsque Julian Beck et sa compagnie viennent à Amiens en 1978, invités par la Maison de la Culture, ils nous posent encore ces mêmes questions : " Comment faire se rencontrer l'art et le public ? Comment ouvrir largement les fenêtres de la création et élargir ainsi le service public de la culture au plus grand nombre ? ". En 1972, un groupe d'étudiants de l'ACLEA ** très inspirés par ces concepts nouveaux de rapprochement entre art et population, du rôle social de la culture, va organiser devant la cathédrale un " Contre Carnaval ". Par cet acte militant, ils vont tracer les bases des nouvelles formes d'expressions carnavalesques et rejeter un " certain théâtre élitiste ". Ils vont revendiquer la gratuité du spectacle dans la rue. Cette audace ira jusqu'à poser la question des artistes dans le centre des villes jusqu'alors réservé aux seuls commerces et à l'animation qui l'accompagne. Toute cette émergence va dessiner l'esprit de la Fête dans la Ville et des premiers gestes du théâtre de rue. Pour la première Fête dans la Ville que j'organise en 1978, Daniel Lemaire, Adjoint à la Culture écrivait : " C'est l'artiste et sa création, c'est l'interprète et sa culture qui fendent la foule et l'interrogent sur ses joies et ses peines ….tous feront cette fête où la foule côtoie l'artiste ". L'énergie inventive et fantaisiste qui était à l'origine de cette Fête, donnait aux artistes ce contact sans barrière avec la population, offrant une appropriation de l'espace urbain par les gens et les artistes, pour un espace libre et gratuit qu'on imagine alors comme piétonnier. Les artistes de rue, par leur engagement à créer des formes artistiques débridées sont un exemple de fidélité à ces idéaux artistiques insufflés par mai 1968 ; des idéaux artistiques et culturels conformes à cette inspiration que Michel Crespin, créateur du festival d'Aurillac, donnera en 1980 dans le Jura en rassemblant autour de lui, poètes et artistes décalés pour définir et rechercher d'autres rapports entre artistes et publics et surtout de faire enfin reconnaître les Arts de la Rue comme un domaine à part entière de la création artistique. Amiens a su garder cette flamme pendant 30 ans et apporter jusqu'à cette année 2008, année de changements pour notre ville, cette partie d'utopie. L'espace urbain transformé devient pour les artistes de rue le support de leur imaginaire, le lieu d'émotions collectives, un espace pour les rêves, ces rêves qu'on ne peut retirer à personne.A Amiens nous aimons cette famille des arts de la rue. »


Avril 2008
Jean-Pierre Marcos

* cf : Amiens et son théâtre - Edition 3 Cailloux
** Association culturelle de loisirs des étudiants d'Amiens


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