Dépouillement
Lundi matin, je n’étais pas très bien. Non que j’ai fêté de quelque façon le résultat des municipales mais la responsabilité de président d’un bureau de vote que j’avais choisie d’assumer m’avais tellement pesée que ce fut une délivrance que de pouvoir en conscience fournir des chiffres qui reflètent exactement la volonté des électeurs de mon quartier. Du coup, j'ai fait la grasse...
La longue journée de rigueur s’était achevée par mon pire cauchemar, une divergence d’une voix entre le nombre d’enveloppes présentes dans l’urne et le nombre de paraphes sur la liste électorale.
Y avait’ il parmi mes concitoyens un malveillant pour glisser subrepticement dans l’urne une enveloppe surnuméraire ? Avait’ on omis dans un convivial bavardage de faire signer un électeur ?
J’avais déjà cauchemardé toute la semaine sur cette éventualité. Qu’adviendrait ‘il d’un scrutin entaché de la pire des erreurs ? Sans parler du responsable d’une telle gabegie, de la honte qui se tatouait peu à peu sur son front, derrière un rideau de sueurs froides.
Si encore la divergence provenait du compteur, elle se fut expliquée par la nervosité de celui ou celle qui tirait sur la manette déclenchant le compteur et l’ouverture de l’urne. Mais, là, malgré trois comptages différents, le compteur correspondait bien au nombre d’enveloppes, pas aux paraphes. Il en manquait une.
La tentation de la tricherie était grande, il suffisait d’une simple signature dans la case relevant d’un abstentionniste pour que les trois chiffres puissent être comparables. Mais il y aurait deux tours, que faire. Je me voyait déjà conduit, menottes aux poignets, par les forces de l’ordre à la préfecture. Sommé de fournir des explications justifiant la présence dans mon urne d’une expression supplémentaire.
Trois assesseurs avaient eu beau compter et marquer le nombre de votant sur chaque bas de page au crayon de bois, le total indiquait toujours une carence.
Nous eûmes toutefois l’espoir de retomber sur nos pattes lorsqu’un scrutateur découvrit un tas de neuf enveloppes au lieu de dix. Malheureusement, notre répit fut de courte durée puisqu’un autre en découvrit une onzième sur un autre tas.
Bref, mes scrutateurs jouaient allégrement avec mes nerfs. Heureusement, comme nous ne sommes jamais mieux servit que par nous même, le décompte plus minutieux que j’entrepris mis en évidence un trait tremblotant qui zébrant une case se révélait correspondre à une signature oubliée et non comptabilisée dans le bas de page.
Ma rassurance fut elle aussi de courte durée puisque le nombre de suffrages exprimés additionné des nuls ne correspondait plus au nombre de votants, il affichait la carence retrouvée par ailleurs. Un doute m’assaillit. L’un des scrutateurs, dans le but de faire correspondre le nombre de voix au nombre des paraphes n’avait’ il pas escamoté le contenu d’une enveloppe et l’enveloppe même ? Devais -je faire fouiller à nu les personnalités présente en ces lieux ? N’était’ il pas déjà trop tard puisque le dépouillement est en France et c’est bien normal, public ?
Là encore, aussi étrange que cela puisse paraître, malgré une double comptabilité, deux scrutateurs de la même table firent la même erreur grossière. M’est avis que l’un avait sur l’autre copié que six plus deux font sept. Quand à la vérification en ligne qui eut du afficher 299, elle montrait un 300 tout rond dénotant une absence totale de vérification conjointe.
Je crois que si l’on souhaite conserver à la république quelques présidents de bureaux de vote en bonne santé, il vat falloir apprendre à compter aux scrutateurs avant de les enrôler.
Jusqu’au bout, j’avais crains l’erreur. Heureusement, les états à fournir sont ainsi fait que leur entrecroisement met en lumière la moindre erreur. Mais cela génère un stress qui donne toute la mesure de l’importance de la moindre voix.
Enfin, j’ai fait mon devoir et assumé mes responsabilités. La semaine prochaine, elles reviennent à un autre.